Recueil des œuvres de Raymond Radiguet.
Mort à vingt ans, étoile fulgurante du monde littéraire français, Raymond Radiguet est l’auteur d’une œuvre riche et variée. Proche de Jean Cocteau, de Max Jacob, d’André Breton ou encore de Tristan Tzara, Raymond Radiguet a laissé sa marque dans la littérature française. Poésie, théâtre, articles, romans, essais, le prodige trop tôt disparu a trempé sa plume dans de nombreux sujets.
Je ne vais pas détailler ses textes un par un, il y aurait trop à dire. Voici quelques morceaux choisis de ce bel ouvrage lourd et épais. Ouais, les œuvres complètes, ce n’est jamais du pipi du chat !
Ses poésies sont étranges : nourries de références classiques et littéraires, elles ont un rythme soutenu, avec un air d’écriture automatique. Il célèbre les jeunes filles, l’amour et le plaisir, mais aussi les vacances et les sottises. Il parle de miroir, de Narcisse, de Paul et Virginie. Il y a comme un rêve de retour aux douces prairies arcadiennes, le tout saupoudré d’humour, de légèreté et d’impertinence. Il en va de même de ses contes et nouvelles où il parle de Paris, de jeunes beautés, de légèreté et de plaisir de vivre.
« Votre regard m’accompagne en train de plaisir. / Plus morte que vive sous le pont qui l’outrage, / La rivière roule des sanglots de plaisir / À la fin aux seuls compagnons de mes voyages. » (p. 45) Emploi du temps, in Les joues en feu.
« Plus doux et plus blancs que des moutons / Avance un troupeau de nuages / La bergère était de bon ton / Surtout chérissait les orages. / Tout à l’heure l’essentiel / Ce sera de ne pas se taire / Quand apparaîtra l’arc-en-ciel / Paraît-il l’écharpe du maire. » (p. 55) Hymen, in Devoirs de vacances.
Ses pièces de théâtre donnent dans le burlesque, la comédie de boulevard et la recherche de bons mots. En collaboration avec Cocteau ou Mallarmé, le jeune auteur a produit des pièces d’une grande drôlerie, très lucides sur leur époque, mais bienveillantes avec leurs protagonistes. Quand il dénonce ou qu’il pointe du doigt les défauts de ses compatriotes, Radiguet le fait toujours avec humour et bonhommie.
J’ai particulièrement apprécié ses articles. Il y parle de la guerre, de ses ravages au front comme à l’arrière. La conclusion de son texte sur la grippe espagnole est fameuse ! « Ainsi, à la moindre indisposition, certains accusent gravement un sympathique pays neutre, qui ne mérite aucunement d’être pris en grippe. » (p. 330) Il harangue gentiment et s’insurge avec humour : s’il prend position, il n’est pas prosélyte, et s’il accuse, il n’est pas juge et bourreau. C’est dans ses articles que j’ai trouvé son style le plus abouti, avec des formules délicieuses et impertinentes. « Ah ! que la vie est quotidienne. » (p. 366)
S’agissant de ses romans, je connaissais déjà Le diable au corps. J’ai préféré Le bal du Comte d’Orgel qui est une belle variation d’un thème littéraire déjà très connu et travaillé, celui du triangle amoureux. Un jeune homme, François de Séryeuse, s’éprend de la femme de son grand ami, le comte d’Orgel. Radiguet offre un roman où la psychologie des personnages est au premier plan : il est sans cesse question de sentiments, de doutes et de questionnements. « Il en est des êtres comme des mers. Chez certains, l’inquiétude est l’état normal ; d’autres sont une Méditerranée qui se s’agite que pour un temps et retombe toujours en la bonace. » (p. 639) En dépit de quelques lourdeurs dans le style, ce roman est tout à fait fascinant.
Voilà un bel ouvrage qui m’a offert quelques heures de bonne lecture au son d’une charmante langue française qui a, parfois, délicieusement vieilli.