« Une dame qui se respecte ne monterait jamais sur un cageot pour haranguer des garçons livreurs. » (p. 10) Evelyn Collis, May Thornton et Nell Swancott sont de jeunes filles issues de milieux différents. Mais, inspirées par Sylvia Pankhurst et d’autres figures féminines, elles ont en commun d’être suffragettes et de vouloir un monde plus égalitaire et pacifique. « Quand les femmes voteront, on ne fera plus jamais la guerre. Quelle femme enverrait ses fils au massacre ? » (p. 11) Hélas, ce vœu pieux est balayé par la Grande Guerre. Les frères, pères, amis ou fiancés des jeunes filles partent au front. Restées en Angleterre, Evelyn, May et Nell ont des préoccupations différentes. L’une veut poursuivre des études à Oxford, l’autre cherche à assumer son homosexualité, la dernière enfin se démène pour trouver de quoi subvenir aux besoins de sa nombreuse famille. Leur engagement de suffragette les mène en prison ou les jette dans des bagarres violentes. Au terme des quatre ans de guerre, le droit de vote est enfin accordé aux femmes anglaises, mais le combat ne s’arrête pas. « Je ne serais pas contre aller voter. Mais tu connais quelqu’un qui écoute ce que disent les femmes ? » (p. 48)
En commençant cette lecture, je ne savais pas qu’il s’agissait d’un roman pour la jeunesse. J’ai donc été un peu déstabilisée par la simplicité du style et de la construction, mais pas déçue. Le texte aborde avec sérieux des sujets de fond, comme l’engagement politique, le lesbianisme ou l’émancipation des femmes, et ce sans s’encombrer d’un didactisme trop lourd. Les choses sont présentées clairement et le jeune lecteur est confronté à des thèmes complexes sans être infantilisé ou submergé par la difficulté. C’est tout à fait ce que j’attends d’un roman jeunesse. Je salue l’excellent travail du traducteur et/ou de l’éditeur sur les notes de bas de page. Le roman étant destiné à un lectorat jeune, il est important d’expliquer ce que sont les monuments, les œuvres ou les personnages historiques croisés par les personnages. Cela est fait avec une précision et une économie de mots remarquables.
Rien de plus normal que ce roman soit soutenu par Amnesty International : il est question de droits gagnés ici et encore bafoués ailleurs, et de tous les progrès qu’il reste à faire pour créer une société juste et égalitaire, où l’accès à l’éducation et à l’expression démocratique est acquis à tous. 100 ans après les évènements décrits par le roman de Sally Nicholls, et même s’il faut saluer les progrès et les acquis sociaux, il est impossible de se reposer sur des lauriers bien fragiles.