Pièce de théâtre d’Eve Ensler.
Eve Ensler a écouté plus de 200 femmes. Son texte a été joué des milliers de fois, par elle et par d’autres. L’édition que j’ai lue a été remaniée alors que Donald Trump était à la tête des États-Unis : autant dire qu’il était toujours cruellement d’actualité. « Aujourd’hui, vingt ans après, je ne souhaiterais rien d’autre que de pouvoir dire que les féministes antiracistes radicales ont gagné. Mais le patriarcat, tout comme le suprémacisme blanc, est un virus récurrent. Il est en sommeil dans le corps politique et est réactivé par des comportements toxiques de prédation. » (p. 8)
L’autrice rappelle dans son avant-propos l’importance des mots. Il faut nommer les choses pour que les réalités qu’elles recouvrent soient reconnues. Le tabou est le pire ennemi de la connaissance et de l’évolution des mentalités. Il faut dire le viol, il faut dire le vagin, il faut dire le violeur, il faut dire les mutilations génitales, il faut dire les menstruations, il faut dire la culture du viol, il faut dire la silenciation des femmes. « J’en ai marre de m’entendre dire que je n’ai pas le sens de l’humour et que les femmes n’ont pas le sens de l’humour quand la plupart des femmes que je connais sont en fait foutrement drôles. Simplement, nous ne pensons pas que des pénis pénétrant notre anus ou notre vagin sans y être invités soient une idée à mourir de rire. » (p. 90) En donnant la parole à des vagins et à leurs propriétaires, Eve Ensler parle de poils, de sexualité, d’odeur, de honte, de plaisir. Elle invite les femmes à regarder leur sexe, à se regarder, droit dans les lèvres.
Dans cette édition augmentée, certains monologues sont dédiés à celles qui n’ont pas eu, n’ont pas ou n’ont plus de voix. L’autrice évoque V-Day et One Billion Rising, des initiatives par et pour les femmes, pour lutter contre les violences qui leur sont faites et les inégalités dont elles souffrent encore et toujours. Sans surprise et comme anticipé, cette lecture m’a retourné le cœur et le ventre. Il y a tant de douleurs exprimées dans ces monologues. Chaque femme a la sienne. Il suffit de leur donner la parole pour qu’elles s’expriment, en un véritable chœur de femmes. « J’étais bouleversée de constater qu’une fois le tabou brisé, un torrent de souvenirs, de colère et de chagrin se déversait. » (p. 6)