Tome 1 : Titus d’Enfer
Roman de Mervyn Peake.
Après l’incendie de la bibliothèque et la mort de Lord Tombal, dévoré par des hiboux, Gormenghast appartient désormais à Titus. Au début de second volume, le jeune comte a vu sa mère sept fois en sept ans et passe ses journées à étudier le rituel dans le collège du château, souvent brimé par ses camarades. « Titus a sept ans. Son monde, Gormenghast. Nourri d’ombres ; sevré dans les linges du rituel : ses oreilles sont vouées aux échos, ses yeux à un labyrinthe de pierre ; pourtant, dans son corps, autre chose – autre chose que cet ombrageux héritage. Car d’abord, et avant tout, il est un enfant. […] Titus le soixante-dix-septième héritier d’une gloire croulante ; une mer d’orties ; un empire de rouille rouge ; les rites imprimés comme des traces de pas enfoncés jusqu’aux chevilles dans la pierre. Gormenghast. » (p. 19) C’est peu dire que cet héritage pèse sur les épaules du jeune comte qui, bien que rompu aux rites, ne rêve que de chevaucher son petit cheval gris et de partir découvrir le monde. De son côté, Finelame continue de tisser sa toile mesquine : il a mis sous sa coupe les vieilles jumelles et prend de plus en plus de responsabilités dans le château. Gormenghast n’a plus de secret pour l’ancien employé des cuisines : il en connaît les souterrains, il s’est aménagé des postes d’observation partout et il monte les habitants du château les uns contre les autres. « Dans le sinistre programme dont il avait fait son avenir, il y avait toujours une pièce ou une autre à découvrir et à insérer dans le grand puzzle de sa vie de prédateur et dans le corps de Gormenghast dont il se nourrissait. » (p. 337) Son ascension n’est plus freinée par le fidèle Craclosse, banni de Gormenghast par la comtesse. Le vieux serviteur, bien que parfaitement acclimaté à la nature, n’est jamais bien loin du château et il est prêt à intervenir pour sauver Gormengahst et secourir le nouveau comte d’Enfer. « Le mal est dans le château. […] Où il est, je n’en sais rien. Mais le mal est là. » (p. 63) Finelame doit cependant prendre garde à Brigantin, le nouveau maître du rituel, qui voit d’un mauvais œil ses manigances. Telle une araignée grise, Finelame tisse sa toile vers le trône. Les années passent, Titus grandit et le château n’en finit pas de décrépir jusqu’aux jours terribles d’une inondation qui semble vouloir engloutir Gormenghast.
Comme dans le premier volume, les morts sont violentes et pleines d’épouvante. Les êtres ne passent pas seulement de vie à trépas, ils se dissolvent dans le néant. Pour les vivants, la situation n’est pas plus douce tant Gormenghast semble être une juxtaposition de solitudes où chacun entretient ses névroses et ses desseins secrets. Après sa rencontre avec la mystérieuse femme oiseau, Titus veut plus que jamais se libérer et il y parvient dans la violence et la souffrance. « Il avait envie de savoir ce qu’il valait. De voyager, non comme un comte, mais comme un étranger n’ayant pour tout abri que son seul nom. » (p. 647) Pauvre Titus, c’est bien ce qui va t’arriver, mais n’oublie pas : partir, c’est trahir Gormenghast.
Avec ce deuxième tome encore plus riche que le premier, j’ai vécu des heures délicieuses entre terreur sourde et émerveillement continu. Les sombres murs de Gormenghast ont de quoi rendre fou, mais il semble tellement passionnant de s’y perdre. Dernier tome dans pas longtemps !