Thomas Bishop n’a pas commencé son existence sous de bons augures. Sa mère a été violée par Caryl Chessman, le tueur en série exécuté en 1960. Nourrissant une farouche haine des hommes, elle a élevé son fils dans une mythologie familiale violente. « Souvent, le soir, elle racontait à son enfant l’histoire de ses deux pères, l’un violeur et l’autre braqueur. Elle le ridiculisait, elle se moquait de lui, elle déversait toute sa haine sur lui. Un jour, elle revint à la maison avec une lanière de cuir marron. » (p. 54) À dix ans, Thomas Bishop finit par tuer sa mère : son enfance est traumatisée et son esprit est nourri de certitudes funestes. Enfermé dans un hôpital psychiatrique, il ne rêve que de vengeance, de fuite et de poursuivre l’œuvre de son père. Car oui, il en est convaincu, Caryl Chessman était son père et il lui faut poursuivre son action. « Maintenant, c’était leur besogne à eux. Oui, absolument, l’entreprise s’appelait désormais Chessman & Son. » (p. 411) Extrêmement intelligent, Thomas Bishop s’enfuit grâce à un stratagème qui lui laisse le champ libre pendant des mois et il commence son œuvre de mort. Sous diverses identités, il se fond dans la foule et laisse derrière lui des cadavres de femmes atrocement mutilés. Personne ne connaît l’identité et le véritable visage de celui qui terrifie l’Amérique. « Sous le masque protecteur de Vincent Mungo, il pouvait faire ce qu’il voulait, aller où il voulait. N’importe où… » (p. 319)
Pour arrêter ce monstre, la police déploie ses forces dans tous les pays, mais trois personnes en particulier travaillent sur ce cas. Jonathan Stoner, un sénateur ambitieux, milite en faveur de la peine de mort alors qu’elle est largement remise en question dans la société. « Chess Man, ou Thomas Bishop, comme vous voudrez, est un meurtrier total. Il continuera jusqu’à ce qu’il se fasse tuer. Ce type est un robot, un engin de destruction qui ne peut pas s’arrêter tout seul. » (p. 755) Adam Kenton, journaliste têtu, recoupe et recroise avec acharnement toutes les informations sur le tueur : il y a trop de choses qui clochent, de pièces qui ne s’emboîtent pas dans ce puzzle macabre. Et il s’interroge sur la pertinence de la peine capitale. « Mettez le paquet sur l’idée que le vrai meurtrier, c’est la peine de mort. » (p. 154) Amos Finch, professeur et écrivain, espère que le tueur continuera son œuvre suffisamment longtemps pour lui fournir suffisamment de matière pour son grand ouvrage. « Nous avons affaire […] à un psychopathe d’une intelligence phénoménale qui a les émotions d’un enfant terrorisé et l’instinct de survie d’un animal. » (p. 457) Au terme d’une partie d’échecs en trompe-l’œil, Thomas Bishop sera arrêté, mais toutes les questions ne trouveront pas de réponse.
Ce roman est fascinant, mais il demande d’avoir les tripes bien accrochées. On dit qu’une image vaut mille mots. Tout dépend des mots. Ceux de Shane Stevens font surgir des scènes brutales et cruelles qui n’ont rien à envier aux films les plus gores. Le retournement final du roman est bien amené, mais quand on connaît un peu la vie de Caryl Chessman, ça devient assez évident. Cela dit, Au-delà du mal s’inscrit parfaitement dans la littérature des tueurs en série. Chaudement recommandé par ma sœur (qui est bizarrement fascinée par Jack l’Éventreur et ses petits copains) et par BesacTof, ce texte m’a fait passer quelques bonnes heures bien horrifiques et glaçantes. Pas étonnant que Stephen King ait tant félicité ce roman et son auteur. Mais faut pas déconner, maintenant, il me faut un album avec des lapins dedans.