Texte de Brice Torrecillas. À paraître le 24 juin.
Au hasard de ses souvenirs et de ses promenades dans la ville, Brice Torricellas, Toulousain, parle de Collioure. Tout commence avec une visite au cimetière : il se recueille sur la tombe d’Antonio Machado, poète espagnol venu mourir dans la citadelle. La sépulture est couronnée d’une boîte aux lettres qui ne désemplit pas. « Une boîte aux lettres sur une tombe. La preuve est faite que les poètes ne meurent jamais. »
Mais celui à qui Brice Torricellas vient vraiment rendre hommage, c’est à son ami René Francès, Colliourenc jusqu’au bout des ongles. « Je voudrais qu’on n’oublie pas René. C’est lui qui m’a livré l’âme de Collioure. Il aimait son village au point que j’ai du mal à les distinguer l’un de l’autre. Je voudrais parler de René. Je voudrais parler de Collioure. » Pour toujours lié à la ville, René était une figure locale, amateur de peinture et de tauromachie, bon vivant et plus généreux que Saint Martin. C’était aussi un caractère. « Sale caillou, le René. À manier comme le camion du Salaire de la peur. Le genre de type capable d’exploser en public mais également de battre froid durant des mois voire des années le pauvre bougre qui avait osé lui déplaire une seconde. » À la façon d’Aragon, Brice Torricellas pourrait dire « Il ne m’est Collioure que de René » tant l’homme est indissociable de la ville.
L’auteur ne cherche pas à expliquer pourquoi il aime la cité. « Je ne pourrais pas dire que j’ai appris à aimer Collioure puisqu’elle m’avait conquis sur-le-champ (elle : le féminin m’est venu tout naturellement. Chaque ville a un sexe et je sais que Collioure est une femme. Sa tenue de combat n’y change rien ; Collioure est une Jeanne Hachette, une Jeanne d’Arc…). » Avec humilité, il reconnaît qu’il ne sera jamais Colliourenc, mais il ne peut se défendre d’un sentiment profond pour cette ville fière qui ne se donne pas au premier venu.
Généreuse et accueillante avec les artistes (Braque, Ernst, Matisse, Dali et tant d’autres), Collioure est une ville de couleur et elle sait ce qu’elle doit aux peintres, notamment aux fauvistes. « Les Colliourencs ne sont pas stupides, ils ont fini par comprendre que ces curieux bonshommes pouvaient les aider à aimer encore plus leur village, à le regarder différemment. À présent ils savent qu’une plage peut être rouge, un ciel vert et violet, qu’ils ne vivent pas dans un décor de carte postale mais bel et bien dans un tableau de maître. » Collioure n’est pas faite pour les touristes avides de plage et de plaisirs faciles. Collioure a l’élégance des villes qui ont traversé les âges et qui portent haut leurs rides, comme autant de nouveaux atours.
À l’issue de cette lecture, j’ai bien envie, comme l’auteur, de m’essayer à quelques hasardeux ricochets avec les galets de la plage ou de m’asseoir à une table du restaurant Les Templiers et de m’y soûler les yeux de toutes les toiles qui couvrent ses murs. J’aimerais, le 31 décembre, fêter le 16 août une nouvelle fois. Puisqu’on naît Colliourenc et qu’on ne le devient pas, j’aimerais juste goûter quelques anchois de là-bas et lever mon verre (de Banyuls) à la cité.
De la même collection, j’avais également apprécié Oradour-sur-Glane aux larmes de pierre. Ces petits carnets de voyage rendent de beaux hommages à des villes chargées d’histoire et de mémoire, où les habitants ont le sentiment d’être nés quelque part.