Dans un blurb en quatrième de couverture, Stephenie Meyer (auteure de la saga de Bella, nénette un peu cruche qui ne sait pas choisir entre un vampire blafard et un loup-garou bodybuildé) nous prouve qu’elle lit/a lu autre chose que de la bit-lit : « Quand on me demande un conseil de lecture, le premier roman qui me vient en tête est La fille qui voulait être Jane Austen. » OK, Miss Meyer, on prend note. Question bonus : pourquoi ne pas lire et conseiller plutôt les livres de Jane Austen ?
Bon, je suis mauvaise langue… Les romans pour adolescents ne sont pas et n’ont jamais été ma tasse de thé. Détaillons un peu la forme de celui-ci. La première de couverture est flashy (Si, rose et mauve, c’est flashy !) et plutôt drôle : une silhouette de femme en robe empire et Converses, Ipod vissé aux oreilles et gobelet façon Starbuck à la main, c’est aguicheur et ça dépoussière les classiques. Nouvelle question bonus : Jane Austen a-t-elle vraiment besoin d’être dépoussiérée ? Vous me répondrez que Miss Coppola a fait de même avec Marie-Antoinette, mais ne mélangeons pas les mouchoirs de papa et les carrés Hermès !
J’en viens au texte. Qu’avons-nous là ? La narratrice, Julie/Julia, raconte les déboires et autres humiliations vécus auprès et à cause de sa meilleure amie, Ashleigh, une Enthousiaste qui se passionne pour un nouveau sujet tous les deux mois. La dernière tocade de la remuante Ashleigh, c’est Jane Austen et son roman Orgueil et Préjugés. Dès lors, l’adolescente n’a qu’une idée : dégoter les petits amis parfaits, dignes de Mr Darcy et Mr Bingley (Hum, chacun ses goûts…). Pour ce faire, elle entraîne son acolyte et cobaye au bal de Forefield, lycée privé pour garçons. Sur place, miracle, les deux ados rencontrent Parr et Ned, deux potes charmants, attachants et, ce qui ne gâche rien, bien faits de leur personne. Pour Julie/Julia, le choix est fait, mais c’est compter sans les sentiments de son amie. De jalousie en déconvenues, de malentendus en répétitions de théâtre, la jeune fille se consume d’amour pour son Prince tout en repoussant les avances de plusieurs déplaisants personnages. Mais comme tout est bien qui finit bien au pays de Jane Austen, chacune trouvera son chacun, ce qui tend à prouver que Cendrillon et son chausson de vair ne sont carrément pas has been.
Si ce roman donne envie aux jeunes lectrices de découvrir l’œuvre de Jane Austen, je dis bravo. Mais le roman de Polly Shulman n’évoque qu’Orgueil et préjugés et son flamboyant Mr Darcy. Et encore, la passion d’Ashleigh pour la dame de lettres britannique ne nourrit que les premiers chapitres : la suite du roman n’est plus qu’une histoire d’adolescents qui s’envoient des mails et pensent (un peu) à l’université. Jane Austen est donc rapidement remisée, on croise brièvement Shakespeare et on lit quelques sonnets et acrostiches bien tournés. Le reste, c’est de la bluette adolescente. Mais je dis ça parce que je suis une vieille peau, hein ? Ma petite flamme romantique a quand même vibré quand le beau gosse élu du cœur de Julie/Julia/Juliette monte dans sa chambre en pleine nuit et sous la neige, en grimpant à un arbre. (Avis à la populace : j’ai tout ça chez moi et il neige assez souvent entre décembre et mars !)
Loin d’être un livre déplaisant ou honteux, sa lecture est à réserver aux toutes jeunes filles qui sauront s’émouvoir des atermoiements amoureux d’une bande de lycéens et qui ne tiqueront pas devant l’abus de majuscules et de !!!! . Conclusion à envoyer par mail à l’auteure : pas facile d’être Jane Austen. Alors, plutôt qu’essayer de la copier, mieux vaut la prendre comme elle est et lire ses œuvres. Il y a largement de quoi s’émouvoir, rire et réfléchir dans ses textes ! Pour ma part, je retourne dans le monde des vieux avec des bouquins lourds et poussiéreux.