Roman de Lionel Froissart.
Ayrton Senna nous parle. Il sait qu’il est mort, qu’il va mourir. Le 1er mai 1994 est son dernier grand Prix. La veille, Roland Ratzenberger est mort sur le circuit d’Imola, pendant les qualifications. L’avant-veille, c’est Rubens Barrichello qui sortait indemne, mis à part un bras et le nez cassés, d’un accident spectaculaire. « Il y a tant de façons de mourir en Formule 1. ». (p. 11) Les signes sont inquiétants – jamais deux sans trois –, mais le pilote brésilien veut courir. Et il fait grand beau en ce premier jour de mai, au-dessus de la piste italienne. Certes, la sécurité des circuits historiques semble de plus en plus insuffisante à mesure que les bolides gagnent en vitesse et au gré des évolutions techniques et des réglages. « À chaque fois que l’on monte dans une voiture de course, il faut accepter la part de risque qui est parfois le prix à payer en échange du plaisir unique et privilégié que nous offre le pilotage de ces formidables voitures. » (p. 45) Certes, les accidents semblent se multiplier depuis quelque temps et des coureurs ont préféré raccrocher le volant. Comme Alain Prost, le concurrent et l’ami de longue date. Ayrton passe en revue ses souvenirs de courses, d’entraînements et de victoires, mais aussi les drames qui ont endeuillé les circuits. Face à l’excitation et au plaisir de la vitesse, la peur s’allège. Hélas, elle est pourtant le poids qui devrait garder les champions au sol.
J’avais 9 ans quand Ayrton Senna a péri à Imola. Je me souviens des images. J’avais 9 ans et j’essayais de retenir les noms des coureurs que mon père regardait rouler, le dimanche après-midi. J’avais 9 ans et c’est la première fois que j’ai eu peur des voitures. OK, les bolides de Formule 1, ce sont des voitures particulières, mais ça ne m’a jamais quitté. J’avais 9 ans et je rappelle avoir été triste de la mort de cet étranger. La tragique fin d’Ayrton Senna est un souvenir pesant. Avec ce récit d’outre-tombe, Lionel Froissart rend un bel hommage au pilote brésilien. Sous ses mots, on sent la vitesse, on entend le bruit des pneus qui chauffent, on ressent les accélérations et les virages. Mais entre les lignes, on ne peut s’empêcher d’avoir terriblement peur. « Je dois reparler à Franck. Je dois lui répéter ce qui ne me plaît pas dans cette Williams. Je ne m’y sens pas à l’aise, je ne suis pas en confiance. Elle est très difficile à piloter et à maîtriser. C’est une machine imprévisible, vicieuse. Peut-être est-elle tout simplement loupée. » (p. 15) Sur le même sujet, je vous recommande À tombeau ouvert de Bernard Chambaz.
Livre lu dans le cadre du prix Sport Scriptum 2024.