Rob a 35 ans, il est disquaire à Londres. Et Laura vient de le quitter. Déboussolé, persuadé que son destin est de se faire plaquer, il passe en revue sa vie amoureuse et revient sur ses cinq relations sentimentales les plus marquantes. « Ce serait bien de penser qu’avec l’âge, les choses ont changé, que les relations sont devenues plus subtiles, les femmes moins cruelles, les carapaces plus épaisses, les réactions plus fines, l’instinct plus développé. » (p. 13) Sa conclusion est assez simple : en amour, il est resté un adolescent. « On dirait que toutes mes histoires d’amour sont une version bâclée de la première. » (p. 13) Avec désillusion et amertume, Ron échoue à comprendre les grands mystères amoureux. Il plie devant les joutes des « oui » et des « non ». À 35 ans, il est plus que temps pour lui d’arrêter de rêver au grand amour. Mais il ne cesse de s’interroger sur les raisons qui poussent les femmes à le quitter : est-ce le destin ? A-t-il une emprise sur sa vie amoureuse ? Sur sa vie en général ?
Rob aime la musique, plus exactement la pop music et si possible sous sa forme vinyle. Il baigne dedans et toute sa vie peut s’illustrer en mélodies pop. Loin d’être anodine, la pop semble être plus qu’une bande originale, elle sous-tend l’existence de Rob, en est la cause et les conséquences. « Personne ne s’inquiète d’entendre les gosses écouter des milliers – vraiment des milliers – de chansons qui parlent de cœurs brisés, de trahison, de douleur, de malheur et de perte. Les gens les plus malheureux que je connaisse, sentimentalement, sont ceux qui aiment la pop music par-dessus tout. Je ne sais pas si la pop musique est la cause de leur malheur, mais je sais qu’ils ont passé plus de temps à écouter des chansons tristes qu’à vivre une vie triste. À vous de conclure. » (p. 25) Les Beatles, Neil Young, Elvis Costello, Otis Redding, Bob Dylan et bien d’autres composent un orchestre aux sons doux-amers. D’une face A à une face B, Rob vit sa vie en musique, pop bien entendu.
Rob a du mal à se considérer adulte. Il compare sans cesse son existence à celle des autres et le constat est le même que précédemment, il est resté un adolescent. « Le sexe est à peu près le seul truc d’adulte que je sache faire ; bizarre, donc que ce soit aussi le seul truc qui me donne l’impression d’être un gosse de dix ans. » (p. 105) L’imminence de son anniversaire aggrave son humeur morose et ses doutes existentiels. Se dirige-t-il pour autant vers un rock and roll suicide ? Même pas, il se laisse porter et l’issue, bien qu’attendue, n’est pas vraiment de son fait.
L’humour est caustique et désabusé, mais également pétri de nostalgie. À presque 36 ans, Rob jette un regard attendri sur une jeunesse disparue bien silencieusement. « Moi je suis là, dans ce petit appartement minable, tout seul, et j’ai 35 ans, j’ai un commerce minuscule qui périclite, et mes amis ne semblent pas des amis du tout, seulement des gens dont je n’ai pas perdu le numéro de téléphone. » (p. 64) Le seul contrôle qu’il semble avoir sur la vie, ce sont les palmarès qu’il établit à propos de tout et n’importe quoi : dans une liste à cinq entrées, il pense pouvoir organiser sa vie avec plus de facilité. Mais finalement cinq entrées, c’est bien peu pour saisir toute l’ambiguïté et la fragilité d’une existence. Et personne ne peut vivre de listes.
Ce roman de Nick Hornby est très sympathique, même s’il tend parfois vers une guimauve de mauvais aloi. Encore un roman sur les trentenaires ? Oui, encore. Mais pour aimer celui-là, il faut aimer la pop music. Quelle chance, c’est bien mon cas ! Pour les autres, mieux vaut peut-être s’abstenir.
Le film de Stephen Frears avec le talentueux John Cusack dans le rôle principal est fidèle au livre en dépit de quelques raccourcis et inventions. Le monologue de John Cusack rend à merveille les réflexions solitaires du héros. Et par-dessus tout, la bande originale est une réussite. Le livre listait des titres, le film leur donne la parole. Rien que pour cela, j’ai préféré le film. À vous de voir !