Recueil de nouvelles d’Edith Wharton.
Il y a cette vieille femme dont le seul bonheur est la vue qu’elle a sur la cour depuis sa fenêtre. Il y a l’épouse de ce très respectable professeur qui s’éprend d’un jeune Anglais. Il y a ce peintre qui doit réaliser un portrait de la femme qu’il aime, mais pour le mari de celle-ci. Il y a cet homme dévoré d’ambitions qui se sert de la tentaculaire famille de son épouse pour développer ses affaires et ses relations. Il y en a bien d’autres. Ils composent la société américaine de la fin du 19e et du début du 20e siècle.
Derrière les portes closes, nous assistons à la comédie du mariage avec des épouses perfides et des maris indifférents. En public, nous sommes conviés au triste spectacle d’une société engoncée dans ses codes. Gare à celui ou celle qui ne les respecte pas : l’opprobre est immédiat ! « Le style Wentworth est indubitable ; il imprègne tous les aspects de l’activité sociale, depuis la coiffure des dames jusqu’aux recettes de cuisine. Il a des lois somptuaires comme son curriculum savant. Il prononce des décrets non seulement sur ses concitoyens, mais aussi sur le reste du monde – il éclaire, critique, prescrit dans un univers négligent – et, selon les critères de Wentworth, être non conformiste revient à être effacé de la conscience de Wentworth. » (p. 59)
Edith Wharton nous invite à déambuler dans un New York en travaux, à l’image d’une société qui cède de toutes parts et qui ne peut que laisser la modernité, même si cela lui est difficile. « Du relief… de l’éclat… voilà ce qu’il lui fallait ! Elle n’en avait jamais eu, ni dans son allure, ni dans sa position. Elle était aussi lisse qu’un papier mural, et sa vie était aussi plate. Et tout le monde autour d’elle avait ce même aspect. » (p. 55) Ceux qui se débattent et tentent de faire craquer plus vite la coquille ne peuvent malheureusement pas échapper à l’inertie d’un monde qui se meurt.
Comme dans ses autres textes, Edith Wharton manie sans pitié le cynisme et la critique. Mais je n’ai pas vraiment apprécié ces nouvelles. Il m’a semblé que le format ne convenait pas au talent de l’auteure. Dans Le temps de l’innocence ou Chez les heureux du monde, elle prend le temps d’installer un univers et laisse aux personnages le temps d’évoluer. Avec la nouvelle, tout va trop vite et je n’ai pas eu le temps de savourer tout ce qui fait le sel de l’écriture d’Edith Wharton. Me voilà donc un peu déçue, pour la première fois, par cette auteure. Mais je continuerai à découvrir son œuvre.