Roman de Jane Austen.
Pour soulager leur sœur, Mrs Price, Sir et Lady Bertram décident d’accueillir chez eux une de leurs nièces, la jeune Fanny. La parente pauvre grandit auprès de ses cousines Maria et Julia et de ses cousins Tom et Edmond. Rapidement, Fanny s’attache à Edmond qui est pour elle un ami tendre et généreux. « Elle se prit à considérer son cousin comme un modèle de bonté et de noblesse, qui possédait des mérites que personne, sinon elle, ne pourrait jamais estimer à leur juste valeur, et qui avait droit de sa part à une gratitude que nul sentiment n’était assez puissant pour payer de retour. Lorsqu’elle songeait à lui, un mélange de respect, de gratitude et de tendresse emplissait son cœur. » (p. 43 – tome 1) Entre les deux cousins, on pressent dès les premières pages que la tendresse innocente des débuts deviendra bien davantage avec les années.
Dès son arrivée, la jeune fille est sans cesse soumise au regard impitoyable de Mrs Norris, son autre tante, qui ne sait que critiquer et récriminer. Gagnant en grâce et en qualité à mesure des années, Fanny devient pourtant une charmante personne et une ravissante jeune femme. Ses cousins et cousines pensent de plus en plus au mariage et Mrs Norris s’emploie, pendant la longue absence de Sir Bertram, à dégoter des partis avantageux à ses nièces et neveux. « Tout le monde devrait se marier dès qu’un beau parti se présente. » (p. 49 – tome 1) Quand Mr et Miss Crawford, frère et sœur, arrivent à Mansfield, la tante entremetteuse veut arranger des noces au plus vite. Mais surtout, Mrs Norris ne peut s’empêcher de déprécier Fanny et de lui faire entendre qu’elle est un poids pour une famille qui l’a gracieusement accueillie. « Ce sera une ingrate et une entêtée si elle ne fait pas ce que sa tante et ses cousins lui demandent – une ingrate en vérité, étant donné ce qu’elle est, et qui elle est. » (p. 160 – tome 1) Voilà qui est bien injuste envers la jeune Fanny Price qui est toute dévouée à sa tante Bertram et s’attache à se rendre utile tout en restant discrète.
L’immense défaut de Fanny, c’est de se croire sans importance et sans valeur. Convaincue qu’elle gêne où qu’elle se trouve et que sa présence incommode quiconque, elle vit en retrait, sans cesse sur la réserve. Mais l’âge l’a parée de bien des vertus et des grâces et ce sont les autres, surtout les hommes et son cousin Edmond, qui lui révèlent sa valeur. « Il faut vraiment que vous commenciez à vous aguerrir et à vous faire à l’idée que vous valez la peine que l’on vous regarde. Vous êtes en train de devenir une jolie jeune femme, essayez d’accepter qu’il en soit ainsi. » (p. 211 – tome 1) Fanny se moque bien d’être jolie pour un autre qu’Edmond. Et quand le jeune homme est en proie à de cruels tourments amoureux, son cœur juvénile balance : « Il était cruel d’être heureux alors qu’Edmond était en train de souffrir. Toutefois, un certain bonheur naissait, par force, de la certitude même de sa souffrance. » (p. 51 – tome 2)
Tout le monde attend de Fanny qu’elle soit exemplaire, meilleure que ses cousines et surtout reconnaissante. Mrs Norris et Sir Bertram insistent à l’envi sur la générosité qu’ils ont témoignée à leur nièce défavorisée. Même son cousin Edmond fait d’elle un idéal : « Vous avez prouvé que vous étiez honnête et désintéressée, montrez aussi que vous savez être reconnaissante et que votre cœur est sensible ; alors vous serez devenue la femme exemplaire et parfaite que j’ai toujours pensé vous voir devenir. » (p. 127 – tome 2) Dans le monde doré de Mansfield Park, la charité est mesquine et comptée. Aider est un devoir chrétien, mais il s’agit de ne pas faire entrer n’importe qui dans cet univers de privilèges jalousement gardés. Ici, on est très conscient des personnes qui sont ou non fréquentables. Et c’est avec le plus grand sérieux que l’on mène des discussions interminables sur les entrées des jeunes filles dans le monde et que l’on tient des palabres assommants sur le choix d’une pièce de théâtre.
Jane Austen dépeint sans pitié une société très mesquine, pétrie de certitudes et de préjugés. Les portraits sont féroces et acerbes. Lady Bertram est une femme indolente qui se soucie peu de ses enfants. Elle ne pense qu’à son bien-être, à son ouvrage et à son petit chien. Mrs Norris est une horrible bonne femme fortement pénétrée de son importance et persuadée de sa supériorité. Au sein de cette déplaisante société, Fanny fait figure de fleur pure et douce. Très sensible et quelque peu fragile, elle résiste toutefois contre vents et marées. La vertu et le maintien sont, une fois encore, victorieux de la bassesse.
Je n’ai pas apprécié ce roman de Jane Austen autant que les autres. J’y ai trouvé des longueurs et une certaine pesanteur. Dès les premiers chapitres, l’issue de la romance entre Fanny et Edmond est prévisible. J’ai retrouvé avec plaisir le cynisme de l’auteure, mais je me lasse peut-être de son écriture. Je vais attendre avant le dernier roman qui me manque, Northanger Abbey.