Alors qu’elle se sait mourante, Mary Toliver modifie son testament et prive sa nièce du domaine de Somerset qui devait pourtant lui revenir. Ce faisant, la vieille dame espère que la jeune femme échappera à la malédiction de Toliver. Mais pour comprendre ce lourd anathème familial, il faut remonter au début du 20e siècle, à Howbutker, ville florissante du Texas jadis fondée par les Warwick, exploitants en bois, les Toliver, planteurs de coton et les Dumont, vendeurs d’articles de luxe.
En 1916, à peine âgée de 16 ans, Mary Toliver hérite de Somerset. Pour elle qui porte dans son sang les terres de ses ancêtres, cet héritage est logique, mais il lui met à dos son frère et sa mère qui s’estiment spoliés. En dépit de sa jeunesse, Mary est pleine de volonté et elle est déterminée à sauver le domaine des créanciers, même si elle doit pour cela renoncer à l’amour de Percy Warwick. Le choix est déchirant : sa plantation ou l’homme qui l’adore. Les années passant, ce sont les enfants et les petits-enfants de Mary et Percy qui auront à subir la loi implacable de Somerset.
Somerset, plantation de coton. Ces quelques mots évoquent un mythe américain à base de possession, de chaleur, de récolte et de labeur. Le coton a fait la fortune des états du Sud américain, mais il a aussi fait couler le sang et les larmes. Somerset n’échappe pas à cette règle : « Cette plantation risque de te trahir, de te décevoir, de t’épuiser, mais elle ne te quittera jamais. » (p. 88) Dans le cœur des hommes, la propriété s’oppose à la famille et ce dilemme déchire des générations. Mais, comme les roses blanches et rouges des antiques York et Lancaster, le pardon est une fleur fragile à qui il faut laisser le temps d’éclore.
Les roses de Somerset est un pavé, mais les 500 pages s’effeuillent à toute allure. L’intrigue est prenante et construite. En adoptant successivement les points de vue de Mary, Percy et Rachel, l’histoire embrasse parfaitement les destins croisés de plusieurs familles et de plusieurs générations. Ce qui fait tout le charme des sagas, c’est la révélation progressive de tous les secrets qui se sont noués. Si vous y ajoutez un peu de la caniculaire chaleur texane et des femmes au caractère bien trempé, vous obtenez un très bon roman sentimental. J’avoue que Mary m’a d’abord prodigieusement agacée. Je n’y peux rien, les personnages à la Scarlett O’Hara me tapent sur les nerfs : les fifilles à papa pourries gâtées qui veulent le beurre, l’argent du beurre et le fils de la crémière sans considération pour les désirs et les attentes des autres n’obtiennent que rarement ma sympathie. Heureusement pour Mary, son personnage évolue et celui de Rachel ne ressemble que partiellement à celui de sa tante.
La plume de Leila Meacham est honnête et maîtrisée, mais n’a rien de renversant. De toute façon, ce n’est pas vraiment ce qu’on demande à ce genre de roman : Les roses de Somerset offre une bonne histoire, des personnages attachants et un parfait moment de détente. Si vous comptez l’emmener dans le train, vous ne mettrez pas grand-chose d’autre dans votre sac à main, mais vous passerez un charmant moment de lecture.