Après le drame qui a détruit sa famille, Rachel part vivre chez sa grand-mère, femme à la poigne de fer, et chez sa tante, la jolie et douce Loretta. Le seul souvenir qu’elle garde de l’accident, c’est une oreille abîmée. Dans le nouvel univers qu’elle découvre, elle est la petite-fille-toute-neuve qui repart de zéro. Mais comment trouver sa place quand le racisme est latent, sournois ? Rachel est une très jolie métisse à la peau claire et aux yeux bleus et une très bonne élève qui s’attire l’inimitié de ses camarades d’école. « Je ne sais pas si le pire, c’est quand les gens se moquent de vous pour ce que vous êtes, ou quand ils n’y comprennent rien. » (p. 65) Ni noire, ni blanche, Rachel peine à construire son identité qui est d’autant plus incomplète qu’il lui manque des clés pour comprendre son passé. La vérité est entre les mains de Brick, un ancien voisin, qui connaît un secret sur le jour où Rachel est tombée du ciel. « Quand il n’y a personne pour vous contredire… la seule histoire qu’on puisse raconter, c’est celle qui finit par devenir vraie. » (p. 193)
Que j’ai aimé cette histoire de famille meurtrie et d’identité tronquée ! Le couple Nella/Roger avait pourtant tout pour faire rêver : la belle et blonde Danoise qui épouse le bel officier noir américain, c’est une love story idéale. Mais on comprend rapidement que le rêve a tourné court et que la belle romance s’est grippée. Et, au-delà, c’est la maternité qui souffre puisque Nella était une mère terrifiée à l’idée de ne pas pouvoir protéger ses enfants de toutes les menaces et de toutes les douleurs. Sous le regard des autres qui accuse et qui dénigre, Rachel doit apprendre à se construire. « Ça me rappelle cette manie des autres filles noires de l’école, qui croient toutes que je veux absolument être blanche. Elle m’appelle l’Oreo, comme les biscuits. Je ne veux pas être blanche. Parfois, je veux redevenir ce que j’étais. Je veux n’être rien. » (p. 165) Il en faudra du temps pour que la petite fille trouve sa voie et accepte de faire éclater la petite bouteille bleue qu’elle cache dans son cœur et dans laquelle elle entasse les sentiments noirs.
D’une plume fine et pudique, Heidi W. Dureow s’attache aux destins croisés de Rachel et Brick, deux enfants meurtris dont les foyers n’ont pas été des havres de paix. La révélation de l’accident qui a fait basculer la vie de Rachel est progressive. Même si l’on comprend rapidement les raisons et la forme du drame, chaque chapitre en précise les contours et les conséquences sur la vie de l’enfant. Voilà un roman à découvrir doucement, tant la charge émotionnelle est grande. La fille tombée du ciel ne vous tombera pas des mains, c’est promis !