Roman de Léonor de Récondo.
Michelangelo Buonarroti est bouleversé par la mort du moine Andrea, jeune homme d’une grande beauté. « Andrea, tu es la beauté à l’état pur. La perfection des traits, l’harmonie des muscles et des os. » (p. 15) Il quitte Rome pour Carrare où il doit choisir les plus beaux blocs de marbre afin de construire le tombeau du pape Jules II. « Il faudra trouver les blocs justes et les déshabiller afin qu’apparaissent, dans leur nudité première, les esclaves de la pietra viva. » (p. 68) Hélas, il est à peine arrivé à Carrare qu’une femme meurt, laissant une famille orpheline. Devant la peine d’un des fils de la défunte, Michelangelo se souvient brutalement de sa détresse à la mort de sa mère et cherche à retrouver son souvenir.
Lentement, le sculpteur de la Pièta explore sa mémoire pour recomposer l’image de sa mère. Il tente en même temps de faire le deuil d’Andrea. Et pour lui, il n’est qu’un remède : la création. « Andrea, tu es la beauté mortelle à l’état pur. J’aimerais que ta peau devienne pierre. Le seul élément que je maîtrise. » (p. 74) L’artiste se rêve en démiurge résurrecteur, mais il doit surtout comprendre que la mort n’est qu’un passage et que l’art est parfois incapable de capturer l’impalpable. « Andrea, tu es la beauté que je ne saurai jamais atteindre avec mon ciseau. Tu es la preuve ultime de la supériorité de la nature sur mon art. » (p. 98)
Quel roman sublime ! Au fil des pages, je craignais de voir l’artiste se pétrifier dans son chagrin et être incapable de dépasser son deuil de pierre. Michelangelo est un homme perdu, désemparé devant la mort, lui qui n’a que son burin et ses ciseaux pour saisir la vie. Le récit est une longue élégie qui vibre cependant d’espoir en la personne de Michele, le garçon orphelin qui s’empare de la vie et ose regarde vers demain. J’avais aimé Rêves oubliés de Léonor de Récondo et j’ai été ravie de la retrouver dans ce roman qui est aussi émouvant que poétique et qui propose une élégante réflexion sur le deuil.