En janvier 2010, la terre a tremblé à Haïti, renversant des maisons, broyant des familles, ruinant des avenirs. Sur le sol meurtri de l’île, une fleur tentaculaire a poussé : Canaan est un bidonville qui abrite des centaines de milliers de réfugiés et rassemble tous les visages de la misère. Ici, tout manque, les soins, la nourriture et surtout l’eau. « Tout le monde doit vivre, les choix étaient serrés, il fallait chacun inventer son pire. C’est la vie même qui est dure. » (p. 95) C’est là que Fito, urbaniste et écrivain en panne d’inspiration, vient perdre ses vendredis, sous une tente où se présentent timidement des fillettes effrayées. Fito est effaré et écœuré par les urgences sensorielles qui fouaillent son bas-ventre, mais il est incapable d’y résister et c’est à Canaan qu’il tente d’étancher ses sombres désirs. « Ici la compassion a un prix, c’est du business. » (p. 38) Arrive Tatsumi, journaliste japonaise avec laquelle Fito a communiqué par messagerie virtuelle. Troublé par la sylphide nippone, Fito voudrait échapper à ses démons. Tatsumi, native d’une île que les séismes n’épargnent pas, saura-t-elle le sauver de son tremblement intérieur ?
Entre les chapitres qui présentent Fito et ses errements intimes, il y a des voix d’enfants qui parlent de malheur, de solitude et de vie sordide. Elles sont autant de parenthèses graciles qui résonnent au milieu du fracas de l’après-séisme. Seules ces pages ont éveillé mon intérêt qui a rapidement été mis à mal devant les atermoiements de Fito. L’homme n’a pas su m’émouvoir et sa détresse me semble surtout être un prétexte pour se livrer au pire. Quant à Tatsumi, il me semble qu’elle a été insérée de force dans cette histoire tant j’ai eu des difficultés à comprendre son personnage et ses interactions avec les autres protagonistes. Aux frontières de la soif me laisse la bouche sèche, avide d’un texte plus frais et d’un style moins terne.
Lecture dans le cadre du Prix Océans 2014.