Petit matin. Une valise. Un homme qui part pour un long voyage, laissant sa famille dans une ville dévorée par un monstre. Comme lui, des milliers de migrants débarquant de paquebots sur des terres étrangères, les poches pleines d’espoir. Peut-être trouver un travail. Un logement. Faire venir la famille. Tout recommencer. Être heureux. Enfin.
Pas un mot dans cette œuvre, rien que l’image sépia qui se décline en pleines pages et en miniatures, voire en planches contacts. J’ai particulièrement été touchée par la double page qui présente ce qui me semble être un abécédaire des nuages
Shaun Tan a choisi de ne pas représenter de mondes connus. Son choix est payant et bien plus fort que l’aurait été la véracité. Inutile de coller à la réalité pour comprendre le sort des réfugiés. De l’ancien monde et ses cauchemars au nouveau monde et ses rêves fervents, c’est une époque qui se dessine, tout un siècle d’exilés et d’émigrés qui tentent de reprendre racine sur des terres inconnues, de recommencer à vivre loin de l’indicible horreur qui fut leur passé.
Le nouveau monde imaginé par Shaun Tan est donc bizarre, peuplé d’animaux bizarres, couvert de signes étranges. C’est au travers de ses inconnus et de ses mystères qu’il représente la terre d’espoir, parce qu’avant de reprendre vie, il faut s’organiser, s’adapter et accepter de laisser définitivement derrière soi ce qui était connu.
Chef-d’œuvre que le travail de Shaun Tan ! Économie de mots, mais pas d’émotions. Intelligence du dessin. Maîtrise du sujet. Réussite complète.