Evguéni Petrovitch est veuf et il traîne sa brutale solitude comme un boulet. « Rien ne m’aide à surmonter ma perte, à accepter mon malheur, à m’accommoder avec talent de la catastrophe. » (p. 101) À Paris et à New-York, il rencontre Alia et Lioudmila, deux femmes phares prêtes à l’aimer. Mais rongé par sa peine, il est sourd à leurs appels d’amour. Plus que tout, il est convaincu que sa vie est marquée depuis toujours d’un mal noir, à l’instar de la pierre qu’il avait offert à son épouse. « Dès le début […], le mal était en elle. L’homme n’existait pas encore, mais la contagion avait déjà fait son œuvre. » (p. 19) En mettant un océan entre sa perte et lui, saura-t-il s’inventer un avenir ?
Ce très court roman de Nina Berberova, à l’instar de L’accompagnatrice, est un texte d’une très grande puissance où l’ellipse est toujours plus éloquente que la description. En peu de mots, l’auteure écrit un superbe portrait en creux de l’épouse disparue. Elle ne dessine que la silhouette, laissant au lecteur le soin et la liberté de remplir les volumes. Quel dommage – quel grand dommage ! – que la quatrième de couverture, dès la première phrase, explique le veuvage d’Evguéni Petrovitch, révélation que le livre ne donne que dans ses dernières pages. Si ce livre vous tente, fuyez la quatrième !