L’écrivain Sidney Orr relève d’une longue maladie. Alors qu’il pensait ne plus pouvoir écrire, il retrouve l’inspiration grâce à un carnet bleu. « Ces carnets sont très sympathiques, mais ils peuvent aussi être cruels et tu dois prendre garde à ne pas t’y perdre. » (p.53) Il commence à écrire l’histoire de Nick Bowen, personnage qui a trouvé le manuscrit de Sylvia Maxwell, La nuit de l’oracle. Absorbé par son nouveau roman, Sidney a l’impression que les frontières entre réalité et imagination deviennent poreuses. « C’était un lieu illusoire qui appartenait à ma tête, et où je me trouvais aussi. Dans ces deux lieux en même temps. Dans l’appartement et dans l’histoire. Dans l’histoire dans l’appartement que j’écrivais encore dans ma tête. » (p. 39) Alors que les mots lui reviennent enfin, il doit faire face à des difficultés d’ordre privé. Très amoureux de son épouse Grace, il a le sentiment que celle-ci lui échappe et il n’a que son imagination pour combler les blancs. « Depuis que j’ai acheté ce carnet, tout se déglingue. Je ne pourrais plus dire si c’est moi qui me sers du carnet ou le carnet qui se sert de moi. » (p. 166 & 167)
Les longues notes de bas de page de Sidney Orr sont des explications, des souvenirs et des justifications qui finissent par constituer une histoire parallèle à celle qu’il raconte. Dans ce roman, Paul Auster propose en fait une multitude d’histoires : il y a l’histoire racontée par Sidney Orr et ses interminables digressions en bas de page, le roman que celui-ci écrit et le manuscrit La nuit de l’oracle – texte que l’on aurait furieusement envie de lire tant il semble obséder le personnage créé par Sidney Orr. À la fois histoires gigognes et histoires en maillons, chacune dépendant de l’autre, ces textes se contaminent les uns les autres et entraînent le lecteur dans un labyrinthe narratif tout à fait étourdissant. Sans aucun doute, La nuit de l’oracle est le meilleur roman de Paul Auster que j’ai lu jusqu’à présent.