En août 1975, la jeune Nola Kellergan disparaît, probablement assassinée. L’évènement marque profondément Aurora, dans le New Hampshire. Trente-trois ans plus tard, le corps de l’adolescente est retrouvé et tous les soupçons se portent sur l’écrivain Harry Quebert. D’abord parce que le cadavre était enterré dans son jardin, ensuite parce qu’il a partagé un amour fou avec Nola. À l’époque, elle avait 15 ans, il en avait 34 et une telle relation était inacceptable. Tout accuse l’auteur à succès qui a publié une magnifique histoire d’amour dans les mois qui ont suivi la disparition de Nola : cette histoire a tout de celle qu’il a partagée avec la jeune fille. Alors, coupable ou pas coupable ? Il n’y a que Marcus Goldman, un ancien élève d’Harry Quebert, lui-même devenu écrivain, qui croit à l’innocence de son mentor. « Harry Quebert est le seul ami que j’ai. J’ai trente ans, et je n’ai que lui. Il m’a tout appris, il a été mon seul frère humain durant ces dix dernières années. À part lui, je n’ai personne. » (p. 316) En enquêtant sur la mort de Nola Kellergan et sur les évènements de l’été 1975, il va révéler les secrets et les mensonges d’une petite ville tranquille, mais aussi relancer sa carrière d’écrivain. À qui profite le crime, alors ?
Posons le contexte de cette lecture. J’avais commencé ce roman quelques semaines après sa sortie. Et je l’avais refermé après cent pages en poussant un soupir de soulagement. L’histoire n’est pas inintéressante, loin de là, mais j’ai buté sur le style très scolaire – si l’on peut parler de style – de l’auteur. Je n’accorde pas vraiment de crédit aux prix littéraires, mais ce roman a obtenu le grand prix de l’Académie française. Autant vous dire que j’attendais autre chose que des constructions simplistes, des approximations grammaticales et syntaxiques et des expressions toutes faites.
Une fois que j’ai réussi à passer au-dessus de la pauvreté et/ou de la lourdeur du style, je me suis laissé prendre par l’histoire et ses nombreux rebondissements. Je suis assez fière de moi parce que j’avais identifié un des points majeurs de l’intrigue vers le premier tiers de l’histoire. Aurora, charmante bourgade en bord de mer dans le New Hampshire, a des airs de Twin Peaks avec ses jeunes filles en détresse pas si sages que ça, ses secrets, ses rancœurs aigres et ses monstres ordinaires.
Le personnage de Marcus Goldman – si on oublie l’insupportable caricature de mère juive que lui a imposé l’auteur – est très intéressant. « J’étais un écrivain célèbre ; j’avais l’impression d’exercer le plus beau métier du monde. » (p. 20) Obsédé par la réussite et le désir d’être le premier, il doit apprendre à se mesurer à plus fort que lui et pas seulement à biaiser la compétition. C’est facile d’être le meilleur dans une assemblée de bras cassés, ça l’est moins quand on fait face à des adversaires à sa mesure. Confronté à la page blanche pour son deuxième roman, il réfléchit beaucoup, en se souvenant des conseils de son mentor, sur l’écriture, la création et le pouvoir de la littérature. Ça donne des passages plutôt bons.
Il y a beaucoup de livres dans ce livre. Le premier, c’est celui que le lecteur tient dans ses mains et qui contient tous les autres. Il y a celui d’Harry Quebert, qui a fait son succès et qui est en passe de faire son malheur quand le corps de Nola est retrouvé dans son jardin. Il y a aussi un autre roman de Quebert, que l’on découvre tardivement. Il y a le premier roman de Marcus Goldman, grand succès de librairie, et le deuxième qu’il n’arrive pas à écrire. Il y a celui que Marcus écrit sur l’enquête qu’il mène pour disculper son ami. Enfin, il y a le livre qui suivra l’enquête.
Je ne parle pas de l’inspecteur Perry Gahalawood et de l’éditeur Roy Barnaski qui sont, à mes yeux, deux énormes clichés ambulants. Ils ont le mérite de donner la réplique au personnage principal, mais misère, qu’ils sont grossièrement taillés ! Pour conclure, ce roman se lit bien et les rebondissements tiennent en haleine, mais il ne faut pas s’attendre à un style transcendant.