Jeremiah Reynolds pourrait être un personnage de fiction. Pourtant, il a bien existé au 19e siècle. De son existence, on aurait pu tirer plusieurs récits d’aventures. Pourquoi se contenter d’une vie quand on peut en avoir plusieurs ? Jeremiah Reynolds aurait sûrement fait sienne cette interrogation « Il fondera un journal, prendra la parole devant le Congrès des États-Unis, sera probablement le premier homme à poser le pied sur le continent antarctique, deviendra colonel au Chili, accomplira un demi-tour du monde, exercera le métier d’avocat à New York, sera tenu en haute estime par Edgar Allan Poe dont un roman s’inspirera d’un épisode de sa vie, et écrira un libre qui influencera peut-être Melville. » (p. 20 & 21) Sur la base de la théorie de la Terre creuse de John Cleves Sylles Jr, Jeremiah Reynolds monte une expédition vers l’Antarctique. Celle-ci échoue, mais Jeremiah est désormais pris par le virus de la découverte et du voyage. « Il ne pensait qu’à une seule chose : participer avec Lewis à une chasse à la baleine, et de préférence à ce cachalot blanc dont il lui avait parlé, qui portait le nom d’une île : Mocha Dick. » (p. 52) Quand son corps se fait moins accommodant, Jeremiah devient avocat et défend les pauvres et même les Indiens. Il écrit le récit de ses périples, rappelant que la littérature se nourrit, même inconsciemment, des exploits des hommes.
Dans des interludes, l’auteur s’adresse un peu plus directement au lecteur et lui apporte des éclairages supplémentaires sur la vie de Reynolds ou de Sylles. Ces interludes sont aussi des échappées, comme des voyages dans le voyage. C’est ainsi que j’ai appris que Mocha Dick, immense cachalot blanc, a bien existé, qu’il a été capturé vingt ans après le texte écrit par Jeremiah Reynolds et qu’il était bien plus grand que ce que l’on pensait. Ce récit a-t-il inspiré celui d’Herman Melville ? Le mystère reste entier et la légende du cachalot blanc n’en prend que plus d’ampleur. L’existence de Jeremiah Reynolds aurait pu être imaginée par Jules Verne, à la façon du Sphinx des glaces ou de Voyage au centre de la Terre. Mais il n’était pas besoin d’inventer les extraordinaires aventures de cet Américain qui voulait croire qu’il y a plus sous la surface de la Terre ou de la mer. Christian Garcin raconte cette existence incroyable avec une faconde réjouissante. En route, les amis ! Allez à la rencontre de ce roman et de ce bonhomme !