C’est le choc dans le pensionnat d’Abbey School. Cynthia, une des élèves, s’est pendue. Le traumatisme est immense pour Eleanor qui a découvert le corps de sa camarade dans la chambre qu’elles partageaient. C’est vrai qu’elle était bizarre, Cynthia. Solitaire, mutique, brusque, elle avait noué peu de relations avec les autres filles. « Une amie, Cynthia ? Plutôt une camarade de chambre imposée par Miss Huntney. » (p. 16) Il y a bien eu ce match de rugby où, l’espace de quelques heures, Cynthia a été une héroïne pour l’école et l’équipe d’Hastings à qui elle a offert une victoire inattendue contre l’équipe de Bodiam. Et cette fois où elle a partagé cette boîte de biscuits avec Eleanor. Cette dernière ne cesse de se questionner : a-t-elle manqué la demande d’aide de sa camarade ? Aurait-elle pu faire davantage ? Et pourquoi se pendre dans la chambre ? « Mais Cynthia avait voulu que ce soit Eleanor qui la trouve. Était-ce pour la punir de ne pas l’avoir sortie de son enfer qu’elle cherchait maintenant à l’y faire tomber de toute la puissance de son cadavre ? Était-ce un dernier geste d’amour vers Eleanor, parce qu’on ne peut pas mourir tout seul, qu’il faut toujours remettre sa mort à quelqu’un d’autre ? » (p. 53) Les funérailles approchent : Eleanor et ses amies aimeraient rendre un dernier hommage à celle qui a traversé leurs jeunes existences en frappant un retentissant coup de tonnerre qui marque la fin de l’adolescence.
Quelle délicatesse et quelle finesse dans ce récit ! Le sujet peut laisser craindre un pathos pesant, mais il n’en est rien. Certes, la mort plane dès les premiers mots du récit et la disparition d’une jeune personne est forcément absurde et laisse des traces indélébiles, mais le dynamisme d’Eleanor rappelle que la vie ne s’arrête jamais vraiment, qu’elle ne cède que quelques instants face à la mort, et qu’il y a toujours un chemin à poursuivre. Dans ce très court roman, Éric Haviland dépeint avec talent l’atmosphère si particulière des pensionnats britanniques de jeunes filles. Même de nos jours, avec portables et virées shopping, il reste quelque chose d’inaltérablement digne dans le comportement de ces jeunes filles riches. Et même le Clan, entité sans visage composée de pestes qu’il n’est pas besoin d’individualiser, est un rouage indispensable au bon équilibre de l’institution.
Les batailles d’Hastings parle de jeunesse, d’expérience douloureuse et de tous les combats qu’il faut mener. Il n’y a pas de petites victoires quand il s’agit de se relever.