Roman de Chimamanda Ngozi Adichie.
Ifemelu a quitté le Nigeria pour suivre des études en Amérique. Après des débuts difficiles et des années de doute, la jeune femme a trouvé sa place dans ce grand pays. « Elle aimait par-dessus tout pouvoir prétendre, dans ce lieu où régnait l’abondance, être quelqu’un d’autre, admis par faveur dans le club consacré de l’Amérique, quelqu’un d’auréolé d’assurance. » (p. 5) Conférencière pour Princeton, rédactrice d’un blog renommé sur la race et les relations entre les blancs et les autres ethnies, Ifemelu est devenue une Americanah. Mais après treize ans loin de chez elle, elle éprouve le vif désir de rentrer au pays. « Le Nigeria devint l’endroit où elle devait être, le seul endroit où elle pouvait enfouir ses racines sans éprouver en permanence le désir de les arracher et d’en secouer la terre. » (p. 9) Ce retour aux sources est l’occasion de retrouver son identité profonde et peut-être celle de renouer avec Obinze, son amour de jeunesse. Leur relation avait explosé à cause de la distance et des déboires américains d’Ifemelu dans les premiers temps de son séjour outre-Atlantique. « Cette façon d’insinuer que l’Amérique l’avait en quelque sorte irrévocablement changée avait planté des épines dans sa peau. » (p. 20)
Avant de rentrer à Lagos, Ifemelu décide de se faire tresser les cheveux comme quand elle était jeune. Assise dans une boutique minable, entre les mains d’une jeune coiffeuse, elle se souvient de son arrivée en Amérique, de ses études, de son intégration et de ses deux grands amours américains, Curt et Blaine, qui n’ont cependant jamais réussi à lui faire oublier vraiment Obinze. Elle se rappelle qu’elle s’est sentie noire en arrivant en Amérique, que la couleur de sa peau lui était à la fois une identité, un passé et une condition sociale aux yeux des blancs. « Tu es dans un pays qui n’est pas le tien. Agis comme il faut si tu veux réussir. » (p. 132) Dans son blog, elle a écrit sans tabou sur la place des noirs en Amérique. Elle a réfléchi à la grande question des cheveux des Noires : doivent-elles les défriser, les tresser, les porter librement ? Que disent les cheveux des Noires aux Blancs ? « Tu vois le problème avec des yeux américains. Mais le problème est que tu n’es même pas une véritable Americanah. » (p. 422) Elle a vécu et observé les combines des immigrés : mariages blancs, prêts de carte de sécurité sociale, magouilles pour avoir une carte verte.
Entre intégration, voire assimilation, et racisme, le Noir américain ou non américain doit gagner sa place et sans cesse prouver sa réussite. L’exemple éclatant de ce succès complet, c’est Barack Obama, alors candidat à la présidence américaine. Le rêve américain s’incarne dans cet homme noir charismatique et ambitieux. De retour à Lagos, Ifemelu sera-t-elle qui a réussi en Amérique ? Retrouvera-t-elle sa place dans son pays ? « Parce qu’à l’époque où ils s’étaient quittés, elle ne connaissait rien des sujets qu’elle traitait dans son blog, il eut l’impression de l’avoir perdue, comme si elle était devenue quelqu’un qu’il ne pouvait plus reconnaître. » (p. 415) Entre ici et là-bas, les racines et l’identité sont bien difficiles à préserver.
Que d’humour et de tendresse dans ce récit ! Chimamanda Ngozi Adichie bouscule les clichés et le politiquement correct pour dresser des portraits sincères d’une jeunesse africaine attirée par les lueurs de la grande Amérique ou de l’Europe, mais désireuse de réussir dans son pays. Un très grand roman, sensible et drôle.