« J’avais cessé de t’attendre et tu paraissais. » (p. 10) Après dix ans de séparation, un jeune monarque voit revenir celui avec qui il a grandi. Très vite, la joie laisse place à la peur et à l’interrogation. Le fils prodigue a bien changé. « La raison que tu avais de revenir n’était pas celle que je souhaitais. » (p. 16) Les deux gamins inséparables, unis par le cœur à défaut du sang, ont grandi et sont devenus frères ennemis. Le revenant représente la minorité opprimée du pays et porte des revendications fermes et irrévocables. Ses demandes insatisfaites sont suivies de dix fléaux qui ravagent la population. Reclus en son palais avec sa femme et son fils, le monarque sait que son temps est compté. « J’avais mal au passé. Si mal ! » (p. 126)
Les lieux ne sont jamais nommés : c’est un pays de sable et de désert, de chaleur et de serpents. Pas de nom non plus pour les deux frères ennemis : il y a celui qui parle et celui qui écoute, duo lié par le passé et une histoire qui n’en finit pas de s’écrire dans le sang. « Tu es le seul à blâmer. C’est ton pays que tu as laissé pourrir. […] Tu es l’assassin de ton peuple. Les maux qui te frappent sont autant de messages que tu n’arrives pas à décrypter. » (p. 102) Dans cette réécriture de l’histoire de Moïse et de Pharaon, le peuple libéré n’est pas destiné à partir vers une illusoire terre promise, mais bien à s’enraciner sur un territoire auquel il appartient de plein droit.
Longue élégie sur le passé, les souvenirs entachés et l’espoir meurtri, Celui-là est mon frère est un texte court à la portée universelle. Puissant et bouleversant, ce premier roman est très prometteur. Marie Barthelet est sans aucun doute une auteure à suivre !