En 1838, la famille Goodenough se débat depuis plusieurs années dans le Black Swamp pour faire pousser des pommiers. « Aux yeux de la loi, un verger constituait le signe indéniable qu’un colon avait l’intention de rester sur place. » (p. 16) Alors que James veut faire pousser et greffer des reinettes dorées pour la table, son épouse Sadie préfère les pommes à cidre pour faire de l’eau-de-vie. L’existence est rude et, chaque année, la fièvre des marais emporte un des enfants. Restent Sal, Martha, Robert, Nathan et Caleb. De 1840 à 1856, on suit le périple de Robert à travers l’Amérique : loin du marais de son enfance, il découvre les arbres immenses de Californie et les envoie en Europe où ils agrémenteront les jardins de riches Anglais. Les lettres de Robert à sa famille restent sans réponse et il finit par penser que les siens ne sont plus. Mais la famille Goodenough n’est pas éteinte. Robert devra seulement décider s’il veut encore avoir affaire à elle. « L’ennui, c’était qu’en Californie il n’était plus possible de partir vers l’Ouest, or Robert n’avait jamais fui que vers l’Ouest. » (p. 146)
Cette fresque familiale se lit d’une traite et avec grand plaisir. Les terres d’Amérique ne sont pas clémentes envers les colons avides de se tailler un avenir loin de la pauvreté de la vieille Europe ou de la côte Est qui est déjà tellement peuplée. Entre la saveur sucrée d’une pomme et l’odeur ambrée des séquoias, le cœur et la culpabilité de Robert balancent. Ce dont il s’accable depuis tant d’années et qu’il traîne comme un boulet est finalement la première pierre sur laquelle il construira son avenir et celui des Goodenough. Je n’ai pas boudé mon plaisir avec ce roman à plusieurs voix : l’alternance de narrateur compose un tableau d’ensemble très complet et d’autant plus émouvant que l’un comble les silences ou les secrets de l’autre.