Tome 1 : Gabrielle
Roman de Marie Laberge.
L’histoire reprend juste après la mort tragique de Gabrielle. La famille Miller est sous le choc et Edward est dévasté, d’autant plus qu’Adélaïde lui a annoncé être enceinte de Theodore, son associé juif parti faire la guerre en Europe. « Mon péché est tout ce qui me reste de Theodore, alors vous comprendrez que je ne veux surtout pas le laver. Je veux le garder et en prendre soin. Je suppose donc que j’ai perdu la foi. » (p. 50) Pour la tirer de ce mauvais pas, Nic lui propose de l’épouser, de reconnaître l’enfant et de l’installer à Montréal auprès de lui. Bien que très éprise de Theodore, la jeune Adélaïde ne peut se défendre d’une grande attirance envers Nic qu’elle connaît depuis toujours. « Deux amours peuvent se disputer la priorité d’un cœur, mais l’un ne fait pas la grâce de disparaître devant l’autre pour lui permettre de s’abattre à l’aise. » (p. 458) Comme sa mère, elle aime sans compter et se réjouit que Florent ait quitté le sanatorium après cinq ans d’une longue guérison. Pendant ses années d’enfermement, le jeune homme timide a développé ses talents artistiques. C’est décidé, il sera créateur de mode pour sublimer la beauté des femmes. Richissime et prospère grâce à ses nombreuses entreprises, Nic soutiennent son projet. « On n’est pas obligés de devenir seulement ce que nos parents étaient, on a le droit de les dépasser. Ce n’est pas les humilier ou les trahir, ce serait plutôt… je ne sais pas, les rendre fiers ? » (p. 242) La petite Léa est née et fait le bonheur de ses parents, même si Adélaïde ne cesse de penser à Theodore : reviendra-t-il d’Europe, son bel amant juif ? Quand Nic part à son tour à la guerre, Adélaïde prend soin de son neveu et de sa belle-sœur, Alex et Jeannine. La longue attente causée par la guerre dans toutes les unions autour d’Adélaïde se teinte parfois de désespoir et de terreur, mais la jeune femme refuse de se laisser abattre. Elle reste forte pour sa fille et ses deux grands amours, Theodore et Nic. « C’est déjà assez difficile d’accepter d’être une vivante qui survit et qu’aucun amour ne détruit. » (p. 324) En l’absence de Nic, elle gère les entreprises de son époux et se révèle une femme d’affaires avertie et énergique, peu désireuse d’épargner les égos masculins.
Les autres enfants de Gabrielle ont tracé leur chemin. Avide de reconnaissance, Béatrice n’a aucune pensée pour son époux parti à la guerre et ne rêve que de percer dans le monde de la radio, négligeant son fils Pierre qui est laissé aux bons soins de Reine, la cousine stérile et mal mariée. Fabien s’est engagé dans l’aviation militaire. La jeune Rose s’occupe tant bien que mal de la maison des Miller à Québec, entre un père neurasthénique et un petit frère très effacé. Les années de guerre passent et Adélaïde retrouve son époux. Le bonheur semble enfin à portée de main, mais Kitty, la sœur de Nic, fait son grand retour. Depuis son enfance, Adélaïde hait et craint cette femme capable de causer d’immenses dégâts. Ses inquiétudes n’étaient pas infondées et ce deuxième volume se clôt sur une tragédie indicible. Après un premier tome qui a pris le temps de présenter tous les personnages (et je ne les ai pas tous nommés), le deuxième continue de tracer les destins et les drames. La Seconde Guerre mondiale est vue d’outre-mer, du côté de ceux qui sont restés au pays. Elle n’est pas qu’un écho lointain et a des conséquences sur la vie quotidienne, entre le rationnement et l’effort demandé par le gouvernement. La contribution du Canada est immense : si son sol n’est pas touché par les combats, ses enfants sont sacrifiés sur les plages de France et dans les camps nazis. Des années 1940 à 1950, on assiste également à la poursuite de la libération des femmes avec l’avortement et la contraception devenus plus abordables et moins tabous. Mais la religion pèse toujours lourdement et freine l’indépendance des esprits les plus soumis. Après la conclusion tonitruante du deuxième volume, je ne m’arrête pas. C’est parti pour le dernier tome de la trilogie !