Quatrième de couverture : Les Buddenbrook, premier roman de Thomas Mann, devenu l’un des classiques de la littérature allemande, retrace l’effondrement progressif d’une grande famille de la Hanse au XIXe siècle, de Johann, le solide fondateur de la dynastie, à Hanno, le frêle musicien qui s’éteint, quarante ans plus tard, dans un pavillon de la banlieue de Lübeck. Le style, tout en nuances, où l’émotion se teinte de connivence et d’ironie, d’affinités et de détachement, traduit parfaitement la relation que l’auteur entretient avec la réalité et accentue subtilement la transcription du lent processus de décadence. Les Buddenbrook ou le grand livre de la dégénérescence.
Je voudrais vous y voir, vous, à résumer ce pavé mieux que ne le fait la quatrième de couverture. Chez les Buddenbrook, grande famille de négociants, on se marie, on se reproduit, on fait des affaires, on perd de l’argent, on en regagne un peu, on divorce et on voit la gloire familiale s’éteindre en quatre générations. La grande affaire est de faire prospérer la fortune pour établir les fils et doter les filles, sans léser personne. Hélas, même si le gâteau est gros, il n’en reste pas beaucoup quand tout le monde demande sa part, voire se ressert. Dans le grand livre qui se transmet de père en fils se déroule l’histoire quotidienne de la famille, avec les grands événements et les revers. La revue journalière prend alors des airs de légende pour celui qui la lit des années après son écriture. « Tout cela serait lu par les membres futurs de la famille avec la même piété qu’elle éprouvait à suivre maintenant les événements passés. » (p. 169) Pas de destin individuel chez les Buddenbrook, pas plus que de personnage principal dans ce roman. Chaque protagoniste s’articule aux autres et forme une chaîne « C’est précisément en tant qu’anneau de cette chaîne qu’elle avait aussi cette haute mission, si lourde de responsabilité, de collaborer par l’action et la volonté à l’histoire de sa famille. » (p. 169) Mais de la chaîne au monstre, il n’y a qu’un pas. L’entité Buddenbrook est une hydre aux multiples visages, et certains membres sont affaiblis ou malades.
Face à cette dynastie qui dégénère jusqu’à l’extinction, on pense forcément à Zola et à son naturalisme atavique. C’est avec grand plaisir que j’ai suivi le déclin des Buddenbrook et retrouvé la plume cynique et très réaliste de Thomas Mann. Plusieurs miniséries et téléfilms ont été tirés de ce premier roman de Thomas Mann. Je pars à leur recherche pour retrouver encore un peu cette impressionnante famille. Je vous conseille La mort à Venise de cet auteur.
Je vous laisse avec quelques morceaux choisis.
« Un homme n’est pas forcément stupide parce qu’il pleure sur votre indifférence à son égard. » (p. 153)
« Quelque chose de nouveau, d’étranger, d’extraordinaire paraissait s’est installé ici, un secret que chacun lisait dans les yeux d’autrui : la pensée de la mort s’était introduite et planait, muette dans les vastes pièces. » (p. 67)
« Elle se sentait dominée par la destinée de sa famille. » (p. 114)
« La faillite… C’était plus horrible que la mort, c’était le scandale, l’écroulement, la ruine, l’opprobre, la honte, le désespoir et la misère… » (p. 225)
« N’y a-t-il de honte et de scandale dans la vie que lorsque les choses s’ébruitent et se colportent ? Ah ! non ! Le scandale secret qui vous ronge et dévore en silence l’estime que l’on a de soi-même est un scandale bien pire. » (p. 391)