Novak court. Son Ai-Phone enregistre tous les paramètres : vitesse, calories brûlées, rythme cardiaque. Dans son oreille, Scarlette lui parle. L’intelligence artificielle anticipe ses désirs, comprend ses questions et le conseille. Novak fuit. Il est poursuivi par des voleurs qui veulent son Ai-Phone, accéder à son cloud, pirater ses données. « Là, il espère un sursaut de Scarlette. Il espère une intuition humaine, comme dans ses polars où la femme du flic pige aussitôt au téléphone que son mari est pris en otage. » (p. 8) Mais Scarlette n’est pas réelle et ce n’était pas une bonne idée de tout lui confier. « Il a l’impression de ne pas avoir de mémoire, de toute façon. Elle était tout entière logée dans le cerveau de Scarlette. » (p. 12)
Cette nouvelle m’a beaucoup rappelé le film Her de Spike Jonze où un homme entretient une relation amoureuse trouble avec une intelligence artificielle. Ce texte très court propose une réflexion glaçante et salutaire sur la dépendance de l’homme moderne à son smartphone. Pour chaque geste du quotidien, Novak se repose sur son téléphone et l’aide artificielle de Scarlette : retrouver le chemin de chez lui, taper le code d’entrée de l’immeuble, comprendre ses voisins, payer, tout se passe en numérique. La vie augmentée est-elle mieux que la vie tout court ? Bien qu’haletant, ce texte ne donne pas la pleine mesure du talent d’Alain Damasio dont je vous conseille les romans La zone du dehors et La horde du contrevent. Le premier est aussi terrifiant qu’intelligent, le second est épique et envoûtant.