Lapin Tur est un petit lapin accommodant : il cherche toujours à plaire à tout le monde. Mais à force d’être consensuel, il finit par perdre en identité et en substance, ce qui n’est pas un gage de longévité. « Personne n’osant y toucher, depuis ce jour, Lapin Tur pend tristement au salon. Cela ne dérange pas Monsieur, mais Madame pense, vraiment, que Lapin Tur serait mieux dans l’entrée ou, à la rigueur, dans la salle à manger. » (p. 13)
Tout cela vous paraît très bizarre ? Si je vous dis que Lapin Tur coule, que Lapin Tur sent mauvais, que Lapin Tur à l’eau, c’est mieux que Lapin Tur à l’huile ou que Lapin Tur n’est pas sèche, c’est plus clair ? Avec ce texte fulgurant et d’une brièveté étonnante, Niele Toroni nous parle d’art. Ici, le lapin n’est pas une nature morte, mais plutôt l’accessoire d’un magicien des mots et de la théorie esthétique.
Suivi par L’histoire de la couleur. Texte de Georg Simmel.
Le Grülp est une couleur indéterminée, pas vraiment appréciée du reste du spectre et des palettes. Il se sent un peu seul, ce pauvre Grülp. « Quand il fut en âge de courir le monde, le Grülp vagabonda à la recherche de sa complémentaire. » (p. 18) Il rencontre le magicien Colorum et le peintre Clixorin. Chaque fois qu’il pense trouver sa place, il est confronté à sa propre inexistence. Pas de chance, Grülp, pas de place pour toi dans l’arc-en-ciel.
Absurde et loufoque, ce texte très court répond intelligemment au précédent en évoquant la vanité de l’art, mais surtout la vanité d’y chercher un sens ou de vouloir coller des étiquettes sur toutes les expressions artistiques.