Pour qui sonne le glas

Roman d’Ernest Hemingway.

Venu d’Amérique, Robert Jordan s’est engagé par conviction dans la guérilla contre Franco et son armée et par amour de la République. « Tu es communiste ? / Non, je suis antifasciste. / Depuis longtemps ? / Depuis que j’ai compris le fascisme. » (p. 80) Dans le maquis, près de Ségovie, il a pour mission de dynamiter un pont pour stopper l’avancée des franquistes lors d’une attaque qui sera décisive. Pendant trois jours, il prépare son action parmi les guérilleros. Si leur chef, Pablo, semble plein de désillusions, sa femme, Pilar, fait montre d’un courage et d’une détermination inébranlables. « Elle a une langue qui brûle et mord comme un fouet à taureaux. Elle a une langue à écorcher n’importe qui, à vous mettre la peau en lanières. Elle est d’une violence incroyable. » (p. 40) Robert s’éprend immédiatement de Maria, violée par les franquistes et longtemps emprisonnée à Valladolid. Entre eux, la passion est d’autant plus violente qu’elle ne peut pas durer. Robert sait qu’au-delà des trois jours qui précèdent l’attaque, rien n’est certain, rien n’est sécurisé. Il sait surtout que s’il veut se concentrer sur la destruction du pont, son amour pour la jeune fille peut être une distraction mortelle. « Dis que tu m’aimes. / Non, pas maintenant. / Tu ne m’aimes pas maintenant ? / […] Va-t’en. On ne peut pas faire ce que je fais et aimer en même temps. » (p. 298)

Dans la longue attente qui précède l’attaque, alors que la tension monte, Robert observe avec admiration la résignation digne des Espagnols face à la destinée. « Tu penses qu’il y aura un ‘après’ au pont ? As-tu seulement idée de ce qui va se passer ? / Ce qui devra se passer. […] Ce qui devra se passer se passera. / Et ça ne te fait rien d’être chassée comme une bête après cette affaire qui ne nous rapporte rien ? Ou même d’y mourir ? / Rien. » (p. 68) Le pressentiment du malheur est partout et la parenthèse d’amour et d’espoir fou que vivent Robert et Maria ne suffit pas à faire taire les peurs. Les amants savent qu’ils ont trois jours pleins pour vivre l’entièreté de leur amour, pas un de plus. « J’aime tellement Maria que, lorsque je suis avec elle, je me sens littéralement mourir. Je n’avais jamais cru que ça pût arriver. » (p. 189) Il y a des scènes d’amour fabuleuses dans ce roman, qui font frissonner tout le corps. À cela s’oppose la guerre pour la liberté qui vaut tous les sacrifices d’amour. « J’ai foi dans le peuple et je crois qu’il a le droit de se gouverner à son gré. Mais on ne doit pas croire au droit de tuer. […] il faut tuer parce que c’est nécessaire, mais il ne faut pas croire que c’est un droit. Si on le croit, tout se corrompt. » (p. 331 & 332)

Alors que le courant passe mal entre Ernest Hemingway et moi, j’ai été totalement happée par ce roman d’amour et de guerre. Par instant, j’avais le sentiment de lire du John Steinbeck : j’ai retrouvé dans ces pages la puissance lyrique brute que j’aime tant chez Steinbeck. Il me reste à voir le film avec Ingrid Bergman – bien trop blonde à mon goût pour le rôle – et Gary Cooper. Je suis vraiment heureuse d’avoir laissé une autre chance à Hemingway avec ce roman incontournable.

Ce contenu a été publié dans Mon Alexandrie. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.