« Cette femme. C’était couru. Elle le cherchait, cette garce. Habillée comme une pute. Sa parole contre la leur. Qui sait ce qui se passait dans ce parc en pleine nuit ?! » (p. 51) Voilà ce que tout le monde, à Niagara Falls, après le viol de Tina Maguire. Le drame s’est passé sous les yeux de sa fille de 12 ans, Bethie. Mais avec ses cheveux, son sourire, son maquillage, son allure, c’est certain, Tina n’a eu que ce qu’elle méritait. Brisée, recluse, elle se laisse dériver. Bethie aussi est meurtrie, traumatisée. « L’enfance appartenait à avant, maintenant que tu en étais venue à vivre après. » (p. 37) Paradoxalement, le procès des agresseurs devient le lynchage médiatique et social des victimes. Bethie cherche à trouver un sens à tout cela. « Tu te demandais si à leur façon malsaine ils n’aimaient pas Tina Maguire. S’ils n’aimaient pas la façon dont ils l’avaient brisée, dont ils l’avaient faite leur. » (p. 103) Seul le policier Dromoor éprouve une compassion sincère et profonde envers Tina, et le cours de la justice le révolte.
Très court et fulgurant, ce roman est un fameux exemple du style et du talent de Joyce Carol Oates. Oui, c’est malsain. Oui, c’est écœurant. Mais ce n’est pas jamais racoleur ou exagéré. L’auteure fustige une certaine Amérique puritaine et hypocrite. Une Amérique qui a follement besoin de justiciers et de superhéros.