Roman de Margaret Atwood.
Les États-Unis ont été frappés par une terrible catastrophe économique. Charmaine et Stan sont contraints de vivre dans leur voiture après avoir perdu leurs emplois et leur maison. Quand ils découvrent le projet Positron, ils pensent que leurs ennuis sont finis. Le projet autonome et autosuffisant rassemble les villes voisines de Positron et Consilience, derrière des barrières que l’on ne franchit que dans un sens. Un mois sur deux, les habitants vivent en prison, puis rejoignent une confortable maison dans la vie civile. « Tout le monde paraît très heureux : quand on a deux vies, il y a toujours la perspective d’autre chose. » (p. 58) Chaque maison et chaque cellule est occupée par un couple d’Alternants, avec lesquels il est interdit d’avoir des contacts. Mais Charmaine et Stan vont outrepasser la règle, à leurs risques et périls. « Faut-il que les choses aillent mal pour qu’elle en vienne à regretter le temps où ils vivaient dans la bagnole ! » (p. 255)
Je n’en dis pas davantage pour ne pas déflorer toute l’intrigue foutrement bien construite par Margaret Atwood. Vous vous en doutez, l’utopie va tourner court et le paradis devient rapidement un piège. Il est question de robots, de trafics d’organes, d’opérations médicales fort peu éthiques, d’Elvis et de Marilyn, d’ours en peluche bleu. « Imagine que tu puisses customiser un être humain par le biais d’une intervention cérébrale. » (p. 211) Si le modèle politique est largement contesté, l’autrice s’interroge surtout sur l’amour, la véracité des relations et la valeur que l’on accorde à la liberté. Cette dystopie est cruelle, mais il est jouissif de lire les mésaventures des protagonistes. Sadique, moi ?
Margaret Atwood sait y faire avec les dystopies. Dans La servante écarlate, elle proposait une vision très sombre de l’humanité. Avec C’est le cœur qui lâche en dernier, la vision n’est pas plus lumineuse, mais elle est décomplexée, férocement drôle. Si vous avez le cœur bien accroché, n’hésitez pas et lancez-vous dans cette lecture !