Roman de Margaret Atwood.
Joan Foster a été une enfant obèse, une jeune fille cherchant à échapper à sa mère, une épouse très dévouée et une auteure à succès de romans à l’eau de rose, sous un nom de plume. Depuis toujours, elle cherche à maîtriser ou transformer sa vie. En vain puisqu’elle ne satisfait jamais aux exigences des autres ni aux siennes. « Ma mère était un vortex, une sombre vacuité, jamais je ne serais capable de la rendre heureuse. Ni personne d’autre. Peut-être était-il temps que j’arrête d’essayer. » (p. 340) Joan décide donc de disparaître pour se réinventer. « J’avais planifié soigneusement ma mort ; pas comme ma vie, dont les méandres défiaient mes faibles tentatives de contrôle. » (p. 4) Mais il n’est pas si facile de se faire oublier et d’effacer la personne que l’on a été.
Le roman s’ouvre sur cet aveu de fuite, puis remonte à rebours l’existence de cette malheureuse Joan. Son surpoids morbide avait des airs de protection et de provocation à l’encontre de sa mère, femme dont elle a toujours douté de l’amour. Ce n’est qu’auprès de sa tante Lou qu’elle trouvait un peu de tendresse, mais aussi qu’elle a découvert l’ésotérisme et l’écriture automatique qui la conduira, adulte, à rédiger Lady Oracle, succès phénoménal dans le monde du féminisme et de l’occultisme. Quand elle quitte enfin le Canada, elle espère trouver un refuge sur le vieux continent. « Je cherchais une ville où déménager, où je serai libre de ne pas être moi-même. Je ne voulais rien de trop différent ni même d’étonnant. Je voulais juste m’intégrer quelque part sans être connue. » (p. 144) Mais elle tombe rapidement sous la coupe du comte polonais, puis sous celle d’Arthur, militant exalté qui ne sait rien de ses activités d’écrivain. Patiente et résignée, elle accepte de son mieux ce que la vie lui offre. « Si vous vous trouvez coincée dans une situation dont vous ne pourrez vous tirer gracieusement, autant prétendre que vous l’avez choisie. Sinon vous aurez l’air ridicule. » (p. 155) Joan est cependant hantée par des rêves et des visions de ce qu’elle est ou était et elle se perd dans les contours mouvants et mal définis de son identité. « D’accord, j’avais deux vies, mais certains jours de cafard, j’avais l’impression qu’aucune d’entre elles n’était totalement réelle. » (p. 224)
Un roman de Margaret Atwood, c’est toujours le gage d’une écriture fine et exigeante et d’un portrait de femme forte et complexe. Hélas, la toute fin de ce roman m’a vraiment déçue, faisant retomber toute la tension comme un soufflé. Envie de dire « Tout ça pour ça ? » Vraiment dommage, car ce roman était excellent jusqu’aux dernières pages. Ou peut-être n’ai-je pas compris le sens profond de ces dernières… Si vous avez lu ce roman, j’attends votre interprétation !
De Margaret Atwood, je vous recommande chaudement La servante écarlate ou C’est le coeur qui lâche en dernier.