Acceptation

Roman de Jeff VanderMeer.

Après Annihilation et Autorité, il est temps d’achever la trilogie du Rempart Sud et de tenter une fois pour toutes d’élucider le mystère de la Zone X. « À quoi ressemble la frontière ? Une question puérile. Une question dont la réponse n’a aucune signification. Il n’y a rien à part la frontière. Il n’y a pas de frontière. » (p. 7) Il semble que chaque réponse soulève plus de questions et trouble encore plus la perception. En suivant les pas de Saul Evans, gardien du phare, de Control, dernier directeur du Rempart Sud, d’Oiseau Fantôme, de la biologiste et de la psychologue de la 12e expédition, de Grace, directrice adjointe du Rempart Sud, le lecteur est invité à pénétrer plus avant dans les méandres de l’île, dans les profondeurs de la tour ou vers les hauteurs des phares, et à se plonger dans la luminosité qui émane de la Zone X. Reste à savoir s’il est possible de quitter l’anomalie topographique. « Et s’il n’y avait pas de monde, dehors ? De monde tel que nous le connaissons ? Ou pas de sortie pour aller dans le monde ? » (p. 279)

Je ne peux pas vous promettre que vous trouverez toutes les réponses que vous attendez dans ce tome final. Moi-même, j’ai lu Acceptation avec l’attitude que suggère le titre : paisiblement résignée à ne pas tout comprendre, mais heureuse d’entrapercevoir les merveilles mystérieuses d’un univers complexe et chiffré. Agréablement bercée par les passages entre trois temporalités narratives, j’ai pioché quelques explications dans l’époque qui a tout précédé, d’autres dans les instants qui ont précédé la préparation de la 12e expédition et d’autres encore ailleurs dans le temps. « Elle examina aussi la sensation que ses souvenirs ne lui appartenaient pas, qu’ils lui venaient en seconde main et qu’elle ne pouvait pas trop savoir si c’était le résultat d’une expérience du Rempart Sud ou un effet provoqué par la Zone X. » (p. 27) La trilogie du Rempart Sud est clairement une œuvre qui mérite des relectures attentives et patientes : face à elle, le lecteur doit accepter que sa compréhension soit annihilée, soumise à une autorité omnipotente, jusqu’à accepter que le sens n’est pas le but ultime. « Êtes-vous réel ? / Je ne sais pas ce que ça veut dire. » (p. 118) Il me semble aussi que cette œuvre doit être lue à plusieurs, discutée, partagée, pour que chacun se nourrisse de la compréhension de l’autre et surtout de ses interrogations. Mais attention à ne pas se laisser consumer… « D’autres gens vous donnaient leur lumière, et peut-être avaient-ils l’air d’en perdre, de ne plus être qu’à peine visibles, si personne ne prenait soin d’eux. Parce qu’ils vous en avaient trop donné et qu’il ne leur en restait aucune pour eux. » (p. 51)

Vous trouvez que j’en dis bien peu sur le roman lui-même ? Sachez que vous croiserez à nouveau d’innombrables lapins blancs, mais aussi un hibou majestueux et une petite souris. Et que toujours, toujours, le Rampeur continue d’écrire des mots vivants sur les murs profonds de la tour. « Il y a d’autres frontières à l’intérieur de la Zone X, d’autres épreuves, et tu en as traversé une pour arriver à l’anomalie topographique. » (p. 46) N’hésitez pas, traversez la frontière et osez ne pas tout comprendre !

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