« Quelle sottise de mettre des mots sur son espérance, à plus forte raison des mots aussi mesquins ? Marie ne nommait pas son attente, elle en savourait l’infini. » (p. 4) Malheureusement pour elle, Marie tombe enceinte alors qu’elle aurait encore voulu savourer sa jeunesse. Conséquence terrible : elle n’aime pas sa fille, l’adorable Diane. Et c’est d’autant plus douloureux pour l’enfant qui voit que sa mère aime son petit frère et sa petite sœur. Sans se l’avouer vraiment, Marie blâme son aînée pour tout ce dont elle l’a privée. « Elle est maladivement jalouse de sa fille. C’est ça qui l’empoisonne. » (p. 14) Pour se protéger, Diane multiplie les mécanismes de défense et d’évitement, jusqu’à s’éloigner durablement de sa famille et surtout de sa mère.
Comment grandir quand on est privé de l’amour de celle qui compte le plus au monde ? Amélie Nothomb interroge les relations mères/filles toxiques, soit par manque d’amour, soit par excès de sentiment. Face à deux exemples de familles dysfonctionnelles, Diane tente de sauver l’enfant qu’elle était et de surmonter la trahison des femmes qu’elle aime et en qui elle place tant d’espoir et d’attente. Aiguisé comme une lame, ce roman va fouiller loin dans le cœur et dans les souvenirs d’enfance. Un peu honteusement (même si je n’y peux rien), je peux me rengorger d’avoir eu une enfance normale, entre des parents qui ont su aimer également et profondément leurs quatre enfants. Et j’ai beau avoir autour de moi des exemples d’enfants mal aimés ou détestés par leur mère, cet échec de l’affection reste pour moi un mystère. Un grand bravo à Amélie Nothomb d’avoir réussi à me faire soulever un coin de ce triste rideau.