Watership Down

Roman de Richard Adams.

Dans la garenne de Sandleferd, au cœur du Hampshire, les lapins mènent une vie paisible. Mais le jeune Fyveer a le pressentiment terrible d’une catastrophe. « Mais la chose arrive… On n’y échappera pas. Je t’assure, l’herbe est pleine de sang… » (p. 17) Hélas, Cassandre aux longues oreilles, il n’est pas pris au sérieux par le Maître de la garenne. Seul son frère, Hazel, croit en ses visions et accepte de quitter au plus vite les lieux. Suivis de Rubus, Rahmnus, Bigwig, Dandelion, Pipkyn, Léondan, Spidwil, Akraan et Silvère, Hazel et Fyveer se lancent dans l’aventure de leur vie, à la recherche de la garenne qui saura les abriter. Cette courageuse petite troupe traverse des rivières, affronte de nombreux ennemis, creuse des terriers, s’allie à d’autres animaux, combat des garennes perverties, affronte mille dangers et souffre mille blessures. « L’insupportable et terrifiant voyage reprit son cours, interrompu seulement par de nouvelles alertes. » (p. 74) Guidés par les visions de Fyveer et entraînés par le courage d’Hazel, les lapins atteignent la colline de Watership Down, mais leurs aventures ne s’achèvent pas là. L’épisode le plus épique est sans doute celui où les lapins convainquent les hases d’une autre garenne à les rejoindre. Cet enlèvement des Sabines – pardon, des lapines – a tout d’un exploit mythologique. Les épreuves rapprochent les membres de la nouvelle garenne. Chaque personnage a des qualités propres : loyauté, courage, obéissance, sagesse, etc. Certes, ces animaux n’échappent pas à leur nature profonde de proie. « Pour les lapins, tout ce qui est inconnu est dangereux. Leur premier réflexe est de sursauter, le second de déguerpir. » (p. 36) Mais les petits animaux à longues oreilles ne sont pas peureux et ils savent se battre avec une férocité étonnante pour leur survie et la protection de leur garenne.

Quel plaisir d’avoir relu ce livre dans la nouvelle traduction des éditions Monsieur Toussaint L’Ouverture. Ma première lecture était en version originale et j’avais manqué bien des merveilles dans ce roman incontournable. Il y a de magnifiques descriptions de la campagne anglaise qui ont largement élargi mon lexique botanique. J’ai également pu saisir toute la beauté et toute la subtilité les légendes qui parlent de Shraavilshâ, le héros mythique des lapins qui s’oppose sans cesse au roi Darzine ou au prince Arc-en-Ciel, mais qui ne perd jamais le soutien bienveillant de Krik, seigneur absolu qui brille dans le ciel. En français, il est également plus facile de comprendre la langue des lapins : vous aussi, vous comprendrez rapidement ce qu’est un kataklop ou un vilou ou ce que signifie faire raka et farfaler.

Ce que j’apprécie particulièrement dans ce roman, outre le fait qu’il met les lapins à l’honneur, est que tout est vu à hauteur de moustaches. Ainsi, un développement immobilier qui retourne le sol de la garenne est vu comme un cataclysme divin, et la terrible scène de massacre des lapins par les hommes en a toute la triste envergure. À plusieurs reprises, le narrateur omniscient pointe les différences entre les humains et les animaux, toujours au désavantage des premiers. « Il y a tant d’horreurs sur la terre… / Et elles viennent des hommes. […] Les autres vilou se contentent de suivre leur instinct, et Krik les inspire autant qu’il nous inspire. Ils vivent ici-bas et doivent bien se nourrir. Les hommes, eux, ne s’arrêteront pas avant d’avoir détruit la Terre et éradiqué les animaux. » (p. 186) Plaidoyer pour la vie, voire manifeste antispéciste avant l’heure, Watership Down célèbre la nature et ses habitants et ne manque pas d’accuser les bipèdes convaincus de leur supériorité. « Les bêtes […] ne se comportent pas comme les hommes. S’il faut se battre, elles se battent ; s’il faut tuer, elles tuent. Elles ne passent pas leur temps à inventer des moyens d’empoisonner l’existence des autres créatures ou de leur faire du mal. Elles sont pétries de bestialité et de dignité. » (p. 279)

Bref, cette relecture m’a enchantée et elle ne sera pas la dernière. En dépit de sa violence, ce roman a quelque chose du texte-doudou. Il est plaisant d’y revenir pour retrouver des personnages que l’on aime et une histoire qui réchauffe le cœur.

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