Roman de Joanne Harris.
Jay Mackintosh a écrit un roman, mais depuis des années, rien de vraiment bon ne lui vient. Coincé dans une relation de couple asphyxiante, il boit trop et s’apitoie sur son sort. Un matin, il trouve une annonce immobilière pour un château en France. Immédiatement, il croit reconnaître le domaine que son vieil ami, Joe, lui dépeignait quand il était enfant. « Le vide que Joe avait laissé dans sa vie avait démesurément grandi et, maintenant, ses proportions monstrueuses lui bloquaient la lumière. » (p. 454) Sur un coup de tête, il quitte Londres et achète la propriété située à Lansquenet-sous-Tannes. Une simple valise dans une main, un sac plein des dernières bouteilles de vin que produisait Joe dans l’autre, Jay part sur les traces de son enfance, en quête de bien des fantômes, dont celui du sentiment perdu d’une jeunesse heureuse. « Il avala d’un seul trait ce qui restait dans le verre, et il y découvrit l’essence d’un insatiable goût de vivre, son cœur soudain s’emplit d’une énergie renouvelée et battit à grands coups dans sa poitrine comme s’il venait de courir. » (p. 31) Sur place, Jay découvre la vie de village, avec ses rumeurs, ses ambitions mesquines, ses querelles de voisinage et ses secrets. Il apprend aussi à connaître sa mystérieuse voisine, Marise d’Api. Plus que tout, il sait qu’il doit retrouver la magie que Joe mettait en toutes choses, sans chercher à la comprendre ou à la maîtriser. « Comme si en buvant le vin de Joe, il était soudain devenu Joe lui-même. » (p. 110)
La narratrice principale de ce roman est une bouteille de vin. Après tout, pourquoi pas, elle ou un autre ! In vino veritas, comme disaient les Anciens. Avec naïveté, mais sans niaiserie, elle raconte Ja et les autres bouteilles qui accompagnent le jeune homme dans son voyage. Joe produisait un vin aux propriétés étonnantes, tout à la fois imbuvable et inoubliable. « La vie, il s’y abreuvait comme si elle ne devait jamais tarir, comme si ce qu’il en absorbait allait durer, un succès en amènerait un autre, la fête continuerait à l’infini. » (p. 15) Ceux qui ont déjà lu des romans de Joanne Harris reconnaîtront le village où elle place cette intrigue : c’est là que Vianne avait ouvert son divin commerce dans Chocolat. Comme quoi, manger ou boire, ça s’accompagne d’une magie particulière quand les produits sont faits avec le cœur et un soupçon de folie.
Ce charmant roman m’a distrait quelques heures et fait naître une envie de revenir dans certains lieux perdus pour les revoir une dernière fois, les fixer dans ma mémoire et saluer ceux qui y ont vécu.