Texte de Philipe Claudel. Photographies de Jean-Michel Marchetti.
Ces deux-là ont déjà collaboré autour du Café de l’Excelsior.
Le Barrio Flores, c’est un quartier de Buenos Aires. C’est aussi l’image vivante de la pauvreté, mais les habitants sont des pauvres à la crasse glorieuse, à la fatigue sublime. « Nous vivions au fond d’une petite ruelle du Barrio, sous du fer ondulé et de grands cartons d’affiches déchirés que nous cousions ensemble avec du fil de pêche trouvé près du port, à même la terre moins battue que nous. Les gouttières nous servaient de douche. » (p. 20) Juanito est le narrateur : il a connu le Barrio enfant, puis l’a quitté pour faire des études. Le retrouvant, des années plus tard, il se souvient des figures marquantes du quartier et en dresse des portraits aussi pittoresques que tendres. Il y a Pepe Andillano, l’homme qui l’a recueilli, joueur de billard imbattable. Il y a la jolie Flores Nubia qui, un jour, a cessé de parler. Il y a cet homme qui voulait épouser son âne. Il y a Jacintho, l’écrivain et lecteur public. Il y a sa petite sœur, celle qui n’a jamais eu de nom et s’est éteinte dans un souffle. « Ce n’est pas si facile de vivre avec la mort quand on n’a que six ans, il faut bien s’inventer des histoires. » (p.63)
Agrémenté des portraits en noir et blanc de Jean-Michel Marchetti, le texte de Philippe Claudel cherche la magie dans les petites choses. Le Barrio Flores, quartier figé dans le temps, est presque un lieu caché, un lieu secret, un lieu mythique. En très peu de pages et avec une remarquable économie de mots, l’auteur partage sa tendresse pour les petites gens et tous ceux que le monde ne voit pas ou ne veut pas voir.