Sentaro Tsujii gère sans passion la boutique de dorayakis (pâtisseries japonaises à base de pâte de haricots rouges) qu’il a rachetée, ne voyant presque pas passer les saisons. « Plus il travaillerait chaque jour, plus vite il serait libéré de la prison qu’était sa plaque chauffante. » (p. 35) Sa rencontre avec la vieille Tokue Yoshii va le réveiller. Il l’embauche et apprend avec elle à confectionner une vraie pâte de haricots. Mais la vieille dame cache bien mal un handicap qui la rend suspecte dans le voisinage, et le récent succès de la boutique, relancée par les excellents doriyakis, cesse brutalement. Puis Tokue cesse de venir à la boutique. « J’ai beau vivre en me croyant innocente, il m’arrive d’être broyée par l’incompréhension des gens. » (p. 101) Sentaro et Wakana, une adolescente solitaire qui avait noué un lien fort avec l’aïeule, vont la visiter et découvrir son secret. Et surtout, Sentaro va enfin trouver un sens à sa vie et un projet dans lequel s’investir pleinement.
Discrimination, isolement, renoncement, mais aussi amitié, gourmandise et plaisir de vivre, tout se conjugue admirablement dans ce joli roman très humain. Quand les solitudes se rencontrent, cela donne de belles rencontres, même s’il faut parfois un peu de temps pour que la pâte lève. « J’ai toujours fait des gâteaux. Parce que sinon, la vie était trop dure. Faire des gâteaux, c’était un défi, et un combat. » (p. 93) Le roman de Durian Sukegawa m’a rappelé Le restaurant de l’amour retrouvé d’Ito Ogawa : sans cliché ni guimauve, ces deux textes rappellent à quel point la nourriture peut rapprocher les êtres et nourrir les cœurs. Et je vous conseille l’adaptation cinématographique réalisée par Naomi Kawase : on y retrouve toute la douceur du livre.