Loup est un jeune homme sensible et un peu différent. Il vient d’être incarcéré et il ne veut voir que sa sœur, Paloma. Pas sa mère, Phénix. Surtout pas sa mère. Que sa sœur. Mais pour tout comprendre, il faut remonter à la jeunesse de Phénix, quand elle portait un autre prénom et qu’elle était trop jolie, trop enfermée, mais si mal protégée des autres et d’elle-même. C’est peut-être ça qui explique que Loup et Paloma sont des enfants aimés tant bien que mal, peut-être plus mal que bien, mais aimés quand même, en dépit des non-dits et des colères. « Il ne faut rien regretter parce qu’il faut bien que ça se termine, ce faux-semblant qu’est l’enfance, il faut bien que les masques soient retirés, les imposteurs démasqués, les abcès crevés, il faut bien que cesse toute velléité du mieux, du magnifique, du meilleur, il faut bien en finir avec les belles paroles, les bons sentiments, les rêves doucereux, il faut bien, un jour, arracher à coups de dents sa place au monde. » (p. 31) La parenthèse carcérale, en séparant physiquement et administrativement les êtres, permettra-t-elle à une famille de renouer avec tous ses membres ?
Si vous cherchez un roman qui vous prend à la gorge et aux tripes dès les premières pages, vous avez trouvé. Ce court texte est une claque immense, un concentré d’émotion pure. Je ne connaissais pas Nathacha Appanah, mais je l’ajoute sans hésiter sur ma liste d’auteurs dont il faut que je lise tout. L’autrice a une voix qui dit tout en peu de mots, mais sans en oublier aucun. Chaque image frappe au cœur, chaque portrait est vivant et chaque sentiment hurle comme une craie sur un tableau noir.
Lu dans le cadre du prix Au coin de la Place Ronde 2019.