Bande dessinée d’Olivier Keraval (scénario) et Luc Monnerais (dessin).
Hélène Jégado est condamnée à mort pour le meurtre d’une trentaine de personnes. « Cette femme est folle. Elle tue sans raison. » (p. 28) Son jeune avocat, Magloire Dorange, a été impuissant à obtenir sa grâce auprès du jeune prince-président, Louis-Napoléon Bonaparte. La vieille servante bretonne a toujours nié les crimes qui lui étaient reprochés. « Jamais il n’a été question du mal qu’on m’a fait. Il n’y en a que pour les autres. » (p. 37) Bien après que la tête de l’empoisonneuse est tombée, le fougueux Magloire continue de clamer que la Jégado était aussi une victime. Et il réclame justice pour elle et pour le peuple. « Quelle que soit sa forme, je me bats contre l’oppression, pour la République ! » (p. 85) Le nouveau régime semble bien fragile et le neveu de l’empereur déchu n’inspire pas confiance. Entre Rennes et Marseille se monte un complot qui dépasse le simple assassinat et qui appelle à la fin de la peine de mort, inique instrument de justice.
Jean Teulé avait fait fort avec sa Fleur de tonnerre en peignant un portrait enlevé de la Jégado. Olivier Keraval prend le prétexte du procès de l’empoisonneuse pour emmener le récit plus loin, vers des considérations politiques et sociales qui expliquent, sans excuser, les crimes de la Jégado. On croise un certain Victor Hugo qui affûte déjà ses arguments contre l’échafaud. Les tons sépia et les crayonnés confèrent à cette bande dessinée un charme particulier. L’œuvre interroge les archives pour mieux nourrir la fiction, voire la légende de la tueuse à l’arsenic. Je déplore l’histoire d’amour entre l’avocat et la fille du commissaire qui a arrêté Hélène Jégado : elle tombe comme un cheveu dans le potage et aurait pu empoisonner toute la bande dessinée. Mais dans l’ensemble, l’ouvrage est excellent et a très bien alimenté ma fascination pour la Jégado.