Les fêlés laissent passer la lumière

Recueil de nouvelles de Camille Deneu.

Dans ce livre, vous trouverez :

  • Des êtres en mal d’amour(s),
  • Des êtres en mal de deuil,
  • Des êtres en mal de vie,
  • Des êtres en mal d’humanité,
  • Des êtres en mal d’eux-mêmes,
  • Des ratés, des losers, des aigris, des perdus, des tristes, des cassés, des bancals, etc.

L’autrice a une tendresse indéniable pour les personnages qu’elle développe, surtout les plus déglingués. « Ça fait dix ans que je fréquente des hommes et que je m’acharne à me trouer le cœur sans réagir. » (p. 118) Son talent pour les portraits et le rythme ne fait aucun doute, avec la qualité principale d’aller à l’essentiel, sans plus de détails que nécessaire. « Dans un monde de contenus quasi illimités, nous sommes constamment soumis à la possibilité d’une meilleure option. L’excès de possibilités nous paralyse. Ou comment l’abondance conduit à une impasse. » (p. 136) Chaque individu expérimente la perte et la solitude, mais aussi la résilience, le plus douloureux étant souvent d’assumer ses décisions et de se pardonner ses propres erreurs. Les histoires développent une science-fiction médicale ou médico-sociale, ainsi qu’une conception suprahumaine de la justice, souvent de l’ordre du Talion et selon des lois non écrites, mais intransigeantes. « John, tu es reconnu coupable d’avoir raté ta vie. » (p. 46)

Si vous appréciez la série Black Mirror ou les drames sociaux, vous êtes bien tombés, car Camille Deneu propose un habile mélange de ces deux genres. La science-fiction qu’elle développe n’est pas un prétexte creux : c’est une manière de réfléchir à ce qui fonde l’humanité, ce qui la justifie et, sans doute, ce qui la rend vivable et supportable. Et l’autrice ne se laisse pas non plus aller à un pathos incontrôlé : les sentiments puissants que ses personnages éprouvent ne sont pas des poses, mais bien des vibrations primales et universelles.

C’est toujours une expérience étrange de lire le roman d’une personne que je connais, côtoie et apprécie. Entre certitude que je vais la retrouver entre les lignes et peur d’être trop indulgente, et tendance à être encore plus intransigeante pour compenser le biais de sympathie, difficile de ne pas basculer d’un côté ou de l’autre… Je n’ai pas pu m’empêcher de relever les nombreuses erreurs typographiques présentes dans cet ouvrage : ma déformation professionnelle est toujours là quand il ne faut pas… Je déplore également chez Camille Deneu une tendance quasi maniaque au name-dropping, procédé narratif qui me hérisse le poil : c’est tout à fait personnel, évidemment, et cela a du sens pour ancrer un récit dans son époque.

Mais le gros défaut de ce recueil, ce sont surtout des incohérences et des répétitions d’un paragraphe à un autre, et c’est vraiment dommage, car il y a un potentiel énorme dans les écrits de Camille Deneu. J’en veux pour preuve le manuscrit qu’elle m’a fait lire dans le cadre d’un appel à textes : c’est percutant, intelligent, avec une forme au service du fond. Dans ce recueil, que l’on peut qualifier d’œuvre de jeunesse, bien que l’autrice est encore une jeune femme, il y a les défauts d’un premier roman, et sans doute également la précipitation sincère et impatiente d’être publiée. Je gage qu’en prenant le temps de mieux retravailler ses textes, Camille Deneu produira prochainement des écrits d’une grande qualité, en connexion directe et vibrante avec les préoccupations de notre époque.

Ce contenu a été publié dans Mon Alexandrie. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.