Écrire

Recueil de textes de Marguerite Duras.

À lire l’autrice, on croirait qu’il est assez simple d’écrire : il suffirait « simplement » de trouver le bon lieu. Pour elle, c’est sa grande maison de Neauphle-le-Château, où elle a construit la solitude lui permettant d’écrire. « J’ai compris que j’étais une personne seule avec mon écriture, seule très loin de tout. » (p. 13) Mais en fait, non, pas du tout, écrire n’est pas simple. Écrire, c’est une bataille contre soi, le monde, le papier, le vide. Même écrire la mort d’une mouche, c’est une gageure, un exploit, un miracle. « Ça rend sauvage l’écriture. On rejoint une sauvagerie d’avant la vie. Et on la reconnaît toujours, c’est celle des forêts, celle ancienne comme le temps. Celle de la peur de tout, distincte et inséparable de la vie même. On est acharné. On ne peut pas écrire sans la force du corps. Il faut être plus fort que soi pour aborder l’écriture, il faut être plus fort que ce qu’on écrit. » (p. 24)

En vrac dans le premier texte, il est question de whisky, d’adaptation de ses textes en films, de son fils, de ses amants, de son ancien mari, de son processus de travail, de sa vie nocturne, etc.

Les textes suivants parlent de la guerre, du deuil, de l’amour, de pureté ou encore de peinture. Cet ouvrage m’a rappelé La douleur, autre recueil de textes et nouvelles qui a bouleversé ma terminale au lycée. J’ai vraiment découvert Duras avec ce livre, et la brièveté cinglante de ses phrases, sa tendance maniaque à la répétition qui est surtout une obsession de la précision et de la profondeur de pensée. « Je ne peux rien dire. Je ne peux rien écrire. Il y aurait une écriture du non-écrit. Un jour ça arrivera. Une écriture brève, sans grammaire, une écriture de mots seuls. Des mots sans grammaire de soutien. Égarés. Là, écrits. Et quittés aussitôt. » (p. 71) Comme à chaque fois que je découvre un texte de Marguerite Duras, je me souviens que je veux tout lire d’elle, et combler mes vides par les cris de ses phrases. Je lorgne donc gentiment vers son œuvre publiée en 4 volumes de Pléiade…

Quelques extraits qui m’ont renversée et qui me font réfléchir à ma propre pratique d’écriture, à mes aspirations timides et tièdes d’autrice…

« La solitude de l’écriture c’est une solitude sans quoi l’écrit ne se produit pas, ou il s’émiette exsangue de chercher quoi écrire encore. Perd son sang, il n’est plus reconnu par l’auteur. Et avant tout il faut que jamais il ne soit dicté à quelque secrétaire, si habile soit-elle, et jamais à ce stade-là donné à lire à un éditeur. » (p. 14)

« Je peux dire ce que je veux, je ne trouverai jamais pourquoi on écrit et comment on n’écrit pas. » (p. 18)

« Si je n’avais pas écrit je serais devenue une incurable de l’alcool. C’est un état pratique d’être perdu sans plus pouvoir écrire… C’est là qu’on boit. Du moment qu’on est perdu et qu’on n’a donc plus rien à écrire, à perdre, on écrit. » (p. 22)

« C’est curieux un écrivain. C’est une contradiction et aussi un non-sens. Écrire c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit. » (p. 28)

« Je n’ai jamais menti dans un livre. Ni même dans ma vie. Sauf aux hommes. Jamais. Et ça parce que ma mère m’avait fait peur avec le mensonge qui tuait les enfants menteurs. » (p. 33)

« L’insulte, c’est aussi fort que l’écriture. C’est une écriture mais adressée. J’ai insulté des gens dans mes articles et c’est aussi assouvissant qu’écrire un beau poème. » (p. 37)

« C’est l’inconnu qu’on porte en soi : écrire, c’est ça qui est atteint. C’est ça ou rien. » (p. 52)

« L’écrit ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit, et ça passe comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie. » (p. 53)

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