Une harde de chevaux blancs lancés à plein galop parcourt les rêves de deux hommes qui ne se connaissent pas. Kerr est un pompiste solitaire. Niels est un cracheur de feu exalté. Tous deux traînent des enfances traumatisées et ne savent pas vivre avec les autres hommes. « Tu n’as pas l’air en forme. Être prisonnier d’une idée fixe, c’est bon pour personne. » (p. 141) Pour Kerr, c’est une jeune femme qui lui rouvre les portes du bonheur. Pour Niels, c’est un long chemin de souffrance qui commence quand il ne peut plus exercer son art. Alors qu’un projet de pont tente de relier à nouveau deux villes ennemies, les angoisses tapies n’attendent qu’une étincelle pour embraser les destins.
J’ai beaucoup aimé le premier roman de l’autrice, L’appel. Avec son deuxième texte, je retrouve une plume maîtrisée et sensible, notamment quand elle met de très beaux mots sur l’amour naissant. « Il se sent comme un très jeune homme, déstabilisé par le retour de timidité qu’implique le désir. » (p. 89) J’ai ressenti plus d’empathie pour Kerr que Niels : il réapprend la tendresse et la joie avec la grâce maladroite des premières fois. La fin du roman, fulgurante et surprenante, m’a saisie brusquement. Elle est dévastatrice, mais porte en ses cendres toutes les promesses d’un monde à rebâtir.