Pour se reposer après les semaines épuisantes consacrées à la préparation de son examen d’ingénieur, le jeune Hans Castorp quitte Hambourg pour un sanatorium de Davos. Il y rejoint son cousin Joachim, soigné depuis plusieurs mois pour une faiblesse pulmonaire, et est censé n’y passer que trois semaines. « La patrie et l’ordre étaient non seulement loin derrière lui, mais surtout enfouis à des lieues sous ses pieds, et son ascension continuait de l’en éloigner. En suspend entre eux et l’inconnu, il se demandait ce qu’il deviendrait là-haut. » (p. 9) D’abord étonné par les habitudes des malades et des convalescents et désorienté par le rythme de cette vie consacrée aux soins et au repos, Hans finit par trouver ses marques et sa place, d’autant plus qu’il développe une maladie qui le contraint à rester plus longtemps dans les hauteurs. La compagnie morbide du jeune homme est aussi fascinante que dérangeante. Les longs argumentaires de Settembrini alternent avec les envolées fougueuses de Naphta. Et Hans s’embourbe dans une relation amoureuse des plus complexes avec l’affolante Clavdia Chauchat.
Happée. Je ne peux pas me décrire autrement tout au long de cette lecture. J’ai été fascinée par cette communauté étrange et forcée dans les montagnes. « Ce sont de jeunes gens, le temps ne compte pas pour eux, et ils vont peut-être mourir. Alors pourquoi veux-tu qu’ils prennent un air sérieux ? » (p. 65) La décomposition psychique alliée à l’atmosphère débilitante des lieux crée un malaise croissant et une angoisse diffuse qui ne lâchent pas le lecteur. « Ici, on révise ses conceptions. » (p. 12) Pris par la dilution du temps, Hans ne sait plus redescendre, revenir à la vie normale, et la durée de son séjour à Davos excède tout bon sens.
Thomas Mann m’a déjà séduite avec La mort à Venise et Les Buddenbrook. C’est un triplé gagnant avec La montagne magique qui me laissera longtemps une impression profonde.