Au début des années 1910, la jeune Francie Nolan grandit à Williamsburg, quartier de Brooklyn. Entre sa mère qui fait des ménages dans des immeubles de rapport, son père plus buveur que travailleur et son jeune frère Neeley, elle se frotte quotidiennement à la pauvreté la plus amère, mais le désespoir n’est jamais le bienvenu dans le foyer. « Les Nolan n’en avaient jamais assez de la vie ; ils la vivaient jusqu’à la garde ; encore n’était-ce pas suffisant ; il fallait qu’ils la remplissent de celle de tous les gens avec qui le hasard les mettait en contact. » (p. 80) Curieuse et intelligente, Francie chérit la modeste bibliothèque de son quartier et l’école où elle choisit de se rendre : ce sont les lieux qui lui ouvrent les portes de l’imaginaire et de tous les possibles. « Ce jour où elle sut qu’elle savait lire, elle fit le vœu de lire un livre chaque jour, aussi longtemps qu’elle vivrait. » (p. 239) Au gré d’un quotidien laborieux et de jours plus sombres que d’autres, Francie grandit, perd sa naïveté et s’endurcit après chaque événement de sa vie d’enfant pauvre. « Il arrive de drôles de choses à Brooklyn, et dont il faut se garder de rien conclure. » (p. 594)
Dans ce roman qui fit sa renommée mondiale, Betty Smith injecta beaucoup de son enfance. Francie, c’est son avatar de papier : comme elle, sa jeune héroïne se prend de passion pour l’écriture. « Ce qui fut important, c’est que ses essais pour écrire des contes la maintinrent dans la ligne droite qui sépare la vérité de la fiction. Sans cet exutoire, elle eût pu n’être toute sa vie qu’une abominable menteuse. » (p. 284) Le lys de Brooklyn n’usurpe pas son titre de chef-d’œuvre : c’est une histoire au long court très humaine et émouvante, le récit des quelques précieuses années qui font d’un enfant un adulte.