Sarah est une jeune lycéenne effacée qui s’interroge sur son avenir. Elle a la chance de rencontrer Gisèle Halimi, avocate de renom. La vieille et grande dame raconte son enfance, son parcours et sa volonté de ne pas être cantonnée à un rôle de fille. « Au fond d’elle-même, elle ne se trouvait pas inférieure aux garçons. Pourtant, elle était traitée comme telle. C’était donc ça l’oppression. Elle était une victime. Mais une victime n’est pas forcément passive. L’oppression pouvait se combattre. C’est là qu’est née la vocation. » (p. 10) Dans chacun de ses mots, Gisèle Halimi évoque son indignation, chevillée au corps, devant toute forme d’injustice. Et surtout, son combat pour que le viol soit reconnu comme un crime à part entière. L’avocate a fait changer une loi injuste qui accablait les victimes au lieu de les défendre et de les protéger. « Avec le viol, c’était comme si on remettait en cause quelque chose de profondément ancré dans la tête de tous ces hommes : ils étaient des conquérants. Par nature la femme est soumission. Voir des femmes lutter contre cette idée leur est insupportable. » (p. 54) Sarah écoute. Elle entend parler d’Anne et Araceli en 1978, de Marie-Claire en 1972 et de Djamila en 1959. Et chaque parole de l’avocate fait trembler en elle une blessure à vif. Gisèle le sent : sa jeune interlocutrice a besoin de parler et d’être entendue.
Ce court roman publié par Actes Sud Junior est la preuve que les sujets graves ne sont pas réservés aux adultes, bien au contraire. Parler du pire avec les jeunes lecteurs, c’est aider ces derniers à y faire face et à s’en protéger. C’est aussi rappeler que les victimes ont droit à la parole et que le seul coupable est l’agresseur, toujours. Le texte souligne enfin que, malgré tout, ce dernier a droit à une défense honnête et juste qui ne lèse pas la victime.
L’ouvrage s’achève de façon très pertinente sur des ressources bibliographiques et des éléments historiques pour encourager les jeunes lecteurs à s’informer. Voilà un petit livre fort bien conçu et qui, au-delà de la fiction très vraisemblable, donne des informations indispensables. Il trouve sans attendre sa place sur mon étagère de lectures féministes.