Elsa Feuillet, romancière mineure, apprécie l’œuvre littéraire de Béatrice Blandy depuis longtemps. « Lire Béatrice Blandy donnait à Elsa Feuillet l’impression de mieux se comprendre elle-même. » (p. 8) Quand elle rencontre Thomas, récemment veuf de Béatrice, Elsa se coule dans la vie de celle qu’elle admirait, sans vraiment y trouver sa place, mais plus obsédée par l’idée de comprendre complètement cette femme élégante et inaccessible qu’investie dans son histoire d’amour. « Dans le fond, ce qui vous plaît chez moi, c’est ma femme ! […] Je n’existe pas, je ne suis rien pour vous ! C’est Béa que vous cherchez à travers moi ! » (p. 52) Alors qu’il est question d’un texte inachevé de Béatrice et qu’Elsa est en panne d’inspiration depuis des mois pour son nouveau roman, un projet fou se profile. Et si Elsa, en quelque sorte, devenait Béatrice ? « Pour la première fois de sa vie, alors qu’elle avait usurpé la place d’une autre, Elsa se sentait légitime. » (p. 113)
À lire ce court et percutant roman, j’ai eu le sentiment qu’Elsa Feuillet, c’est Carole Fives. Parce que l’autrice imaginaire a publié un roman qui ressemble furieusement à Tenir jusqu’à l’aube. Parce que Carole Fives vit en province, comme son héroïne. Et parce que, comme Elsa, elle surgit là où on ne l’attend pas. Dans ce nouveau roman, j’ai retrouvé la plume délicate de l’autrice et sa lucidité sur la vie des femmes d’aujourd’hui, entre maternité débordée et aspirations professionnelles et personnelles. Carole Fives prouve, une fois encore, qu’il faut peu de mots pour bâtir un monde et donner envie d’y entrer.