Enfant en Algérie, Alfred Nakache avait peur de l’eau. Jeune homme, il remporte toutes les compétitions en France et en Europe. Médaille après médaille, il s’assure l’admiration des Français et l’inimitié de Jacques Cartonnet, son éternel rival des bassins. Mais en janvier 1944, avec son épouse Paule et leur fille Annie, Alfred est dans un train pour l’Allemagne. Son statut de champion lui vaut quelques égards et il profite de son emploi au dispensaire pour aider d’autres prisonniers. « N’oublie pas, Alfred, que tu es recordman du monde de natation. Ils ne te regarderont jamais comme les autres. » (p. 150) Les chapitres ne sont pas chronologiques, mais retracent parfaitement le parcours du nageur, champion progressivement interdit de compétition en raison de sa religion. « D’un trait de plume, il n’est plus rien. Ni français, ni algérien. Juif. Et, partout, indésirable. » (p. 123) Dans le camp, il nage pour la galerie nazie, mais aussi au nez et à la barbe des gardiens, refusant de se voir retirer cette liberté qu’il conquiert dans l’eau.
Des jardins parfumés de Constantine et aux fosses putrides d’Auschwitz, ce roman vrai nourrit le devoir de mémoire. Il montre aussi à quel point le sport peut être dévoyé par ceux qui le mettent au service d’une idéologie nauséabonde et excluante. Pierre de Coubertin lui-même assure que l’esprit olympique est respecté par Hitler. » (p. 89) La qualité littéraire de ce texte est inégale, mais sa puissance historique est indéniable. Renaud Leblond, fondateur du prix Jules Rimet, dédié aux littératures sportives, signe un bel ouvrage.
Lu dans le cadre du prix Sport Scriptum 2022.