Une soirée déguisée entre amis, quelque part dans Paris. L’ambiance est joyeuse, débridée, simplement agréable. Et voilà le drame : un des convives a basculé par-dessus le balcon. Fin de partie, un mort sur le trottoir. « Ils sont là debout, pathétiques avec leurs mines défaites, leurs tenues dépareillées, leurs maquillages mal nettoyés, leurs bras ballants. » (p. 30) Quelques mois plus tard, un autre convive meurt en dévalant un escalier parisien. La stupéfaction ne retombe pas. Ce sont des drames trop proches pour être anodins. Retour arrière, des années plus tôt : une petite fille a été massacrée, et son frère porte le poids d’une culpabilité écrasante. « C’est de lui-même qu’il est orphelin, de son innocence qu’il est en deuil, et celui est sans rémission. » (p. 106) Dans une douleur qui peut rendre fou, l’homme n’a pas oublié.
Je ne m’attendais pas à trouver Sylvie Germain dans le genre noir du thriller, mais c’est un exercice réussi ! Avec subtilité, elle écrit un personnage tourmenté qui n’est pas un monstre, qui n’est pas une victime : il n’est que ce que la solitude a fait de lui. « Peut-on sculpter l’ombre d’une personne ? » (p. 55) J’ai dévoré ce court roman où la Mort est une passante sans-gêne, dans des villes immenses et aveugles où se croiser revient surtout à s’éviter.