Roman de Christina Sweeney-Baird.
2025 : en quelques semaines, une épidémie décime 90 % des hommes. Pas des humains : des hommes. Les femmes sont porteuses du virus, mais asymptomatiques, et seuls les hommes meurent. De jour en jour, Catherine, Lisa, Amanda, Elizabeth, Dawn, Irina, Morven, Amaya, Rosamie, Maria et des millions d’autres font la chronique de ce mal qui menace l’humanité. Alors que, dans l’attente d’un vaccin, les survivants se terrent pour ne pas être contaminés, les femmes reprennent en main tous les secteurs qui font fonctionner le monde, des professions où elles étaient minoritaires aux instances de décision où elles étaient largement sous-représentées. « Environ un homme sur dix a survécu. Nous devons les protéger. L’avenir de l’humanité en dépend. Sans oublier les femmes que nous devons également soigner afin qu’elles continuent de faire tourner le pays. » (p. 100)
Avec lucidité, l’autrice a imaginé en 2018 ce que ce serait une planète confrontée à une pandémie. La lanceuse d’alerte n’est pas prise au sérieux, jugée hystérique. Les autorités sanitaires et politiques tardent à réagir, laissant passer la seule chance d’endiguer le mal. Les familles amputées de leurs membres masculins, parfois réduites à une seule femme, sont brisées, inconsolables, et pourtant le bonheur reste possible, car la vie continue. Il est facile de chercher des boucs émissaires, moins de continuer à faire société pour préserver l’humanité. Le rationnement, les restrictions, les réquisitions ou encore la conscription, inimaginables dans un monde sain, deviennent des décisions incontournables. « Personne n’est censé tirer profit de l’Apocalypse. » (p. 250) Et quid des homosexuels et des femmes trans dans un univers qui, soudain, ne pense plus qu’à la reproduction ? Christina Sweeney-Baird a pensé avec finesse les comportements individuels et les défauts qu’il est si difficile de gommer en période de crise. « Certains survivants ont développé un complexe de supériorité. Le simple fait d’appartenir au groupe des ‘élus’ leur donne l’impression d’être des dieux. » (p. 265)
Ce roman m’a rappelé La république des femmes de Gioconda Belli et Le pouvoir de Naomi Alderman. Le premier imagine un pays où les femmes au pouvoir font leur possible pour rétablir l’équilibre entre les sexes, le second dépeint un monde où les hommes souffrent désormais des discriminations que les femmes ont subies pendant des millénaires. La fin de l’homme est plus nuancé, plus crédible et très intelligemment mené. L’autrice se permet tout de même quelques traits d’humour misandre tout à fait savoureux. « À mon avis, Bernard est immunisé parce qu’après l’avoir entendu débiter ses âneries misogynes, le Fléau s’est dit ‘Non merci, je n’en veux pas de celui-là’. S’il vous fallait une preuve que les meilleurs partent toujours en premier, considérez le fait que Bernard est l’un des seuls députés de son parti qui ait survécu. » (p. 232) Avoir lu ce texte après la pandémie de Covid 19 laisse une impression étrange, celle de savoir que la civilisation humaine n’est pas passée si loin de la catastrophe.
Sans aucun doute, je range de roman dans mon étagère de livres féministes !